19 décembre 2006

Le chant du Blues...

Si la recette des oeufs á la coque parfaits vous intéresse, ou si vous vous interrogez sur le fait de savoir s'il existe des filles qui n'ont pas de nombril, ou si vous vous demandez ce que peut bien donner un roman oú les personnages s'appellent Laitier, Pilate, Empire state, Guitare, etc... Alors Le Chant de Salomon de Toni Morrison est pour vous!

Toni Morrison est née en 1931, et a passé la plus grande partie de son existence á écrire sur les noirs américains, leurs problemes d'identité, leur insertion dans la société américaine, etc. Elle a gagné le prix nobel de littérature en 1993 pour son oeuvre.






Ce qui est fascinant, c'est qu'elle nous plonge dans l'intime plus que dans le social. Elle nous raconte ainsi la vie d'un quartier, d'une famille, avec tant de détails touchants, choquants, troublants, qu'elle en fait tout un univers á explorer.

Je ne saurais trop vous recommander de lire sa récente interview dans Telerama pour comprendre son monde et son écriture, puis vous immerger dans ses romans. Et pour les férrues de sociologie et de Bourdieu, il existe aussi un dialogue entre Toni Morrison et Pierre Bourdieu qui vaut le détour!

Et je conclurai ici par un MERCI tout spécial á Etienne et Marie-Louise qui m'ont offert les romans de Toni Morrison les plus célebres, et á Pauline, pour m'avoir donné envie de les lire...

02 décembre 2006

Quelques cocons pour l'hiver!


Lui, il dit que ce n'est pas un roman... mais une histoire. Une histoire qui commence par un homme qui traverse le monde et qui arrive ailleurs, un jour de grand vent, au milieu d'un petit village. L'homme s'appelle Hervé Joncour; mais le village, on ne sait pas.

Lui, il dit qu'on pourrait dire que c'est une histoire d'amour. Mais il dit aussi que si c'était juste cela, alors ça ne vaudrait pas la peine de la raconter.

Lui, il dit que toutes les histoires ont leur musique. Et que celle-ci a une musique blanche et qu'il est important de le dire car la musique blanche est une musique étrange et parfois déconcertante.

Lui, il dit qu'il n'y a rien d'autre à ajouter... sauf peut-être de préciser que l'histoire n'a pas lieu au vingtième siècle. Donc ne vous attendez ni à des avions, ni à des machines à laver, ni à des psy.

Moi, je dis que de ce livre se dégage une odeur d'encre de chine et de riz blanc.

Moi, je dis que de ce livre sort le bruit de milles oiseaux exotiques, sort le bruit du vent, mais aussi le silence.

Moi, je dis que de ce livre on garde un mystère.

Moi, je dis que de ce livre il ne faut pas trop parler, mais juste sussurrer à l'oreille du prochain de l'ouvrir un soir d'hiver...


Lui c'est Alessandro Baricco...

Et moi une simple lectrice de Soie, un de ses plus beaux livres avec Novecento Pianiste et Océan Mer.

27 novembre 2006

Petit détour par le Japon…

Aujourd’hui, panoramique japonais: pour tout ceux qui n’ont pas le temps de dévorer des romans, voici une solution miracle : le Haiku ! Un concentré de sensations et d’émotions en trois lignes (ou trois colonnes pour ceux qui peuvent les lire en version originale...) !




Le hiaku est une forme de poème japonais du 19e siècle, qui suit un rythme de 5-7-5, et renvoie traditionnellement par le kigo á l’instant ou á la saison grâce á une référence á la nature. Il s’offre á vous comme une grande respiration, une bouffée d’oxygène, une image qui traverse votre esprit pour vous emmener loin en une fraction de secondes. Il produit un effet de réel, car il situe l’action ou le lieu, dans un jeu de temps qui unit le souvenir á l’instant. Pour faire encore plus sérieux et littéraire, je vous dirais même que le Haiku repose sur une hypotypose. C’est á dire qu’il s’appuie sur une figure ‘’qui regroupe l’ensemble des procédés permettant d’animer une description au point que le lecteur voit le tableau se dessiner sous ses yeux.’’ Autrement dit : c’est encore mieux que de manger un Boutny… Mieux que le deuxième effet Kiss Kool !

Par exemple :

La vieille mare:
Une grenouille saute dedans:
Oh! le bruit de l'eau.

Pinceau plein de bleu
Un coup sur le volet
Un coup sur le ciel

Déjà quatre heures...
Je me suis levé neuf fois
Pour admirer la lune.

Comme il est admirable
Celui qui ne pense pas: «La Vie est éphémère»
En voyant un éclair!

A moitié petite,
La petite
Montée sur un banc.



Et si vous souhaitez aller au delà de la lecture : glissez un petit carnet dans votre sac, et composez vos haikus, au lit, dans le bus, au petit-déjeuner, ou tout simplement quand bon vous semble !

Et puis d’ailleurs, si le cœur vous en dit, n’hésitez pas á mettre vos Haikus préférés en ligne sur ce blog, en utilisant la fonction ‘’comments’’.

13 novembre 2006

Le vrai du faux

Il y a des livres qui réchauffent, qui font du bien... C'est pas tant le style, c'est pas tant l'originalité, c'est juste simple et touchant, et puis ça passe.
Ce sont des livres qui se vendent bien, des livres qu'on se conseille entre amies... On s'y retrouve tous un peu... On y cherche des brins d'humanité...

Par exemple, les Anna Gavalda: Ensemble c'est tout, Je l'aimais, Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part, etc.
Par exemple encore, les Eric-Emmanuel Schmitt: Oscar et la dame rose, Odette Toulemonde et autres histoires...

Alors fausse littérature? Vrai divertissement?

Au fond, dans Odette Toulemonde et autres histoires, Eric-Emmanuel Schmitt se pose la question. Odette est en admiration devant les livres de Balthzar Balsan, bobo parisien qui écrit des romans touchants dédaignés par l'élite parisienne. Qu'en penser?

Pour ma part, de ma lecture de ce livre, je garde une petite méditation sur le vrai et le faux dans la vie. Car peut-on vraiment déchiffrer du haut d'un belvédère le vrai et le faux des détails du panorama? Peut-on croiser tant de visages, tant de vies, et toujours cerner l'authentique du toc?



Avec ces petites histoires très rapidement jetées sur le papier, Eric-Emmanuel Schmitt nous invite à suivre la panique d'une femme, face à l'intrusion répétée d'une vielle femme dans son appartement. Mais quand la police arrive, on ne trouve jamais l'intruse. Alors qui dit vrai?

Et puis on passe à une autre histoire: Une maitresse abandonnée par l'homme qui a été son patron et son amant pendant 25 ans, perd son emploi après que son amoureux n'ait décidé de partir vivre sa retraite avec sa femme dans le sud de la France. Ne pouvant plus réussir à joindre les deux bouts, et après avoir constaté que la revente des bijoux qu'il lui avait offert ne servirait à rien (ils ne valent pas un sous), elle l'appelle et il lui dit de vendre le Picasso. Oui, un jour, il lui avait offert un tableau, en lui disant de toujours répéter que c'était un faux.. Elle va le faire estimer, et bien sûr, le verdict est confirmé: C'est un faux. Ayant la sensation de n'avoir connu qu'une fausse relation, elle finit par mourir d'un cancer à l'hôpital. Seule la japonaise à qui elle sous-loue une chambre pour survivre, vient régulièrement la voir. Un peu désabusée, elle lui lègue le "Picasso", peu avant de s'éteindre. De retour au pays, la japonaise le revend, et devient riche à millions, fonde une boite de cosmétique, etc. Alors vrai? faux? Il nous laisse toujours sur le fil...

C'est comme ces livres... Vrai? Faux?

A vous de voir!

07 novembre 2006

Panoramique asiatique !

Une fois n'est pas coutume... Je vais vous parler d'un livre qui n'est pas un roman, mais plutot d'un livre qui est un témoignage de vie tellement fort et riche qu'il se lit comme un roman: La fine è il mio inizio de Tiziano Terzani (littéralement et en francais dans le texte: la fin est mon début).

Tiziano Terzani est né en 1938 à Florence, au sein d'une famille pauvre de la banlieue, avec en lui la volonté et l'irrépressible désir d'aller voir ailleurs... Ce qu'il a fait d'une manière incroyable en devenant journaliste grand reporter pour le journal allemand Der Spiegel, essentiellement en Asie, dont il va devenir un éminent spécialiste.

Il a vécu en direct tant de moments historiques marquants qu'il est presque difficile de tous vous les citer (Mai 1968 à New York, fin de la guerre du Vietnam au milieu des cadavres, arrivée au pouvoir des Khmers Rouges au Cambodge, effondrement de l'empire URSS, etc.) Mais ce qui m'a marqué ce week-end en me plongeant dans ce pavé (500 pages mais je vous rassure, en plus du texte, il y a de superbes photos noir et blanc d'époque!), c'est avant tout sa quete d'humanité, sa quete de sens, sa quete de valeurs.

Il écrit ce livre au moment où il se meurt d'un cancer. C'est son ultime discussion avec son fils, sur la vie et le monde, au coeur de la douleur, à la rencontre de l'essentiel. Ce livre donne beaucoup d'énergie mais aussi de recul. Meme en n'étant pas d'accord sur tout, je trouve que Tiziano Terzani a le don de nous donner l'envie d'aller au bout de nos reves, de vivre dans le présent ici et maintenant. Parce que tout passe...



En attendant que ce livre soit traduit, je ne peux que vous encourager à découvrir ses autres récits, tels que: Lettres contre la guerre (suite au 11 septembre) et Un devin m'a dit. Tiziano Terzani a toujours essayé d'inclure un peu de spiritualité dans son existence avec plus ou moins de succès mais toujours avec sincérité. Dans Un devin m'a dit, il raconte une année de sa vie, où il a continué d'etre grand reporter en Asie mais sans prendre l'avion! En effet, un voyant lui avait dit que s'il le faisait, il en mourrait! Du coup, il décide de l'écouter et il finit par découvrir un autre regard sur l'Asie, en cotoyant les petites gens dans les trains, en cherchant à rencontrer les sages du fin fond des villages...

Il me semble que Tiziano Terzani, bien à sa manière, a su découvrir les pépites là où elles se cachaient, mais aussi comprit que ce qui nous est parfois présenté comme de l'or, vaut bien moins qu'une fleur ou une poignée de terre.

30 octobre 2006

Quel animal êtes vous?

La semaine dernière, j’ai lu un roman en italien qui m’a beaucoup plu: Che animale sei? (quel animal es-tu?) de Paola Mastrocola.

Ca m’a fait penser au Petit Prince de A. de St Exupéry. C’est l’histoire d’une petite cane qui ne sait pas qui elle est. Au début, comme elle se retrouve près d’une pantoufle, elle pense qu’elle est la fille d’une pantoufle… puis elle rencontre un castor, qui lui explique qu’elle ne peut pas être la fille d’une pantoufle, et donc, elle se pense peu á peu castor. Elle se met á travailler très dure sur les barrages avec toute la communauté. Jusqu’á que le chef des castors lui explique qu’elle, elle a des plumes… et qu’elle n’est pas un castor…





On la suit alors dans toutes ses rencontres (avec des chauve-souris en campagne électorale, des grues très fashion, un loup solitaire écrivain, etc.) et chacun de ses échanges est une petite leçon de vie. Car au fond, comment savoir vraiment qui nous sommes ? Comment décider de nos vies, de nos envies ?

Ce livre est une fable moderne et simple, qui raconte avec beaucoup d’humour et de douceur les aléas et les beautés de la vie. J’espère qu’il sera bien vite traduit pour voyager un peu á son tour !

16 octobre 2006

Fenêtre sur la Hongrie...

Il y a peu, j'avais lancé l'idée d'inclure dans ce blog toutes les citations que je trouverais au fil de mes lectures sur le ''panorama'' et sur les ''pépites'', PAN-OR-AMIQUES oblige! Et bien figurez-vous que je viens de trouver une définition du panorama que je trouve magnifique! Barthes décrit le panorama comme:

''Un éclatement de lieux dont on aimerait occuper chaque place.''

La justesse de ses mots m'a touchée.

Et donc aujourd'hui, je vous emméne dans un autre lieu à occuper dans ce jeu d'ubiquité littéraire qu'offre la lecture de romans! C'est parti pour la HONGRIE!



Jusqu'á présent, je n'avais jamais lu de romans hongrois, et pour tout vous dire, je n'avais pas la moindre idée des romanciers hongrois célebres! Et depuis peu, j'ai eu la chance de pouvoir découvrir Sándor Márai. Pour vous le situer un peu, il s'inscrit dans la lignée de Zweig ou de Musil.

J'ai lu Les braises. Il y décrit l'empire austro-hongrois avec beaucoup de finesse. Il dépeint fort bien un monde finissant, lentement, à petit feu. En peu de mots, il nous fait pénétrer dans les méandres d'une amitié profonde entre un général et son ami d'enfance Conrad. Amitié tendue, qui enferme les traces de brûlures passées et les braises encore luminescentes des différents sociaux et humains.

10 octobre 2006

Un petit peu d'Italie...

Ce serait tout de meme un comble d'avoir une si belle vue sur les collines de Toscane et sur Florence, et de ne pas inclure dans mon panorama littéraire quelques chemins brumeux des petits matins italiens, quelques mots echappés entre deux bouchées de spaghettis et une glace!




Alors pour commencer á découvrir les cypres, les villas jaunes aux volets verts entre deux oliviers, je vous propose Umberto Eco et son roman La mysterieuse flamme de la reine Loana. En suivant un amnésique qui tente de retrouver la mémoire, Umberto Eco nous plonge dans l'histoire de l'Italie, celle noire et douloureuse du fascisme, celle belle et solidaire des villages oubliés au flan des montagnes.

Une des originalités du livre est que l'auteur nous fait vivre en texte mais aussi en images l'histoire du pays, en incluant des publicités, des bandes dessinés, des journaux des années 30 et 40. Ainsi, il nous emporte dans un fabuleux jeu de de piste dans les méandres flous des mémoires.


En outre, le livre comporte des citations sublimes sur le brouillard, comme autant de bribes de pensées perdues auquel l'amnesique, autrefois libraire, tente de se raccrocher.

'' Mon âme détergeait les vitres du tram pour se noyer dans le brouillard mobile des réverbères. Brouillard, mon frère incontaminé... Un brouillard épais, opaque, qui emmitouflait les bruits et faisait surgir des fantômes sans forme... ''

06 octobre 2006

La bienveillance

Non, je n'ai pas lu Les bienveillantes, ce pavé de 900 pages dépeints par tous comme le chef d'oeuvre du siècle. Pas envie d'être dans la tête d'un SS tueur, et cela malgré le fait que Jorge Semprun, un de mes auteurs préférés, en fasse un éloge superbe. En fait, je voudrais plutôt vous parler de Jorge Semprun et de ses livres, et puis aussi de la bienveillance et de Roland Barthes.

Jorge Semprun, pour moi, ce sont des tisanes froides, oubliées sur la table, tellement son écriture m'emportait loin, loin dans la vie. Jorge Semprun, c'était retrouver un univers de khâgne et de poésie après l'avoir quittée. Il m'en reste plein d'émotions et une envie d'apprendre des vers par coeur pour emmener des bruns de poèmes partout avec moi.

L'écriture ou la vie est indéniablement un livre à lire. Il raconte sa sortie du camp de Buchenwald et l'invention d'un mode de survie par l'écriture. Il parle aussi de la résistance, avec des scènes inoubliables.

- Il est avec un ami résistant, et ils sont en embuscade pour tuer un allemand, et là, ce jeune soldat se met à chanter La paloma, une chanson de l'enfance pour J. Semprun. Il est soudain paralysé, il ne sait plus que faire, il ne peut plus tirer, alors qu'il sait qu'il le faut...

- Il est debout devant les soldats américains qui viennent de découvrir le camp et de le libérer. Il comprend soudain dans leur regard son état, sa condition, son squelette. Il est soudain lucide, il ne sait plus que faire, mais il va avancer, et trouver les mots justes.





Dans Adieu Vive Clarté, il est un étudiant en première année de prépa. Un étudiant qui parle de son vécu sans parler de la suite, de la déportation, de la douleur... et pourtant indiciblement, on la sent poindre à chaque ligne.

Plus récemment, dans Vingt ans et un jour, il parle en espagnol de son rôle clandestin pour lutter contre le Franquisme. On découvre un autre visage, une autre voix.

Enfin, je voulais dire un mot de la bienveillance. Roland Barthes, dans son cours sur le Neutre, en donne une très belle définition. Il explique tout d'abord que ça vient du latin "bene volens" puis de l'italien "ti voglio bene": littéralement "je te veux du bien" J'aime cette idée, et j'apprécie la typologie qu'il en fait. Il distingue la bienveillance humide et la bienveillance sèche. La première consiste à manifester à l'autre notre attention, en lui demandant s'il a besoin de quelque chose, en l'entourant. La seconde est plus subtile. C'est une attention silencieuse et forte, qui me rappelle ce poème appris il y a longtemps déjà:

« Dans les rues de la ville il y a mon amour.

Peu importe où il va dans le temps divisé.

Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler.

Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima

et l'éclaira de loin pour qu'il ne tombe pas »

05 octobre 2006

Coincidences

Aujourd'hui, un panoramique sur les coincidences, parce que je les aime tout particulièrement, et qu'elles sont très nombreuses dans la littérature d'ici ou d'ailleurs.

Commençons par un petit tour dans le dictionnaire! A l'origine, c'est un terme de géométrie qui décrit l'état de lignes ou de surfaces qui peuvent se superposer, ce qui fait de mon panorama du jour un palympseste!!! Mais ensuite, le terme veut dire simultanéité, rencontre, et donne lieu à de nombreuses études par nos chers romanciers!

Mes préférés: Paul Auster. Dans tous ses romans se cachent de magnifiques coincidences, qui nous montrent que finalement nous sommes tous reliés mystérieusement les uns aux autres. Souvent, il part d'un personnage en chute, heurté et bouleversé par la vie, à qui il arrive tout d'un coup un événement étrange qui le concerne tout particulièrement. Cela déclenche une chaîne de coincidences qui donnent sens à la vie du personnage et au-delà à notre existence. En outre, pour ceux qui ne voudraient pas se lancer dans un roman, Paul Auster raconte dans The red notebook les vraies coincidences qui l'ont amusé dans sa vie ou celle de ses amis. Amusant à découvrir!

Ensuite, le deuxième auteur qui selon moi à vraiment tout compris aux coincidences est Milan Kundera. Parmi les plus belles pages, on trouve dans L'Immortalité une typologie des coincidences. Selon lui, il existe par exemple des "coincidences muettes" lorsqu'elles ne sont aucunement significatives dans un contexte, des "coincidences poétiques" lorsqu'elles insufflent à l'événement une signification imprévue, comme si tout d'un coup deux mélodies s'unissaient pour faire une musique magique, etc.

Enfin, pourquoi est ce que je vous parle aujourd'hui des coincidences? C'est parce que je suis en train de lire l'Elegance du hérisson de Muriel Barbery, petit roman fort sympathique de cette rentrée, qui en joue bien à sa façon! En voici un petit avant-goût:

“Je m’appelle Renée, j’ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bougeois. Je suis veuve, petite, laide, grassouillette, j’ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l’idée que l’on se fait des concierges qu’il ne viendrait à l’idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants. Je m’appelle Paloma, j’ai douze ans, j’habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c’est le bocal à poissons, la vacuité et l’ineptie de l’existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C’est pour ça que j’ai pris ma décision : à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai.”


Je ne vous dévoile pas quel jeu de coincidences va mêler la première phrase de Anna Karénine et le cinéaste japonais Ozu à ce petit monde du 7 rue de Grenelle pour le meilleur et pour le pire! Mais je vous promets que ça vaut le détour!

Bonne lecture et heureuses coincidences à vous!

27 septembre 2006

Cosy...

J'avais promis de reparler d'Alexander Mc Call Smith, et de son Ecosse bien aimée! Voici donc aujourd'hui quelques mots sur une autre de ses séries de romans qui commence par Le Club des Philosophes Amateurs (soit en version originale: The Sunday Philosophy Club), puis qui continue avec Amis, Amants, Chocolat (soit Friends, Lovers, Chocolate).

Isabel Dalhousie, philosophe en charge de la publication de la Revue d'Ethique Appliquée, se trouve comme par hasard toujours mêlée à des morts suspectes, et bien sûr son penchant pour les cas de conscience, l'étude du bien et du mal, mais aussi sa curiosité illimitée, l'amène à enquêter dans le petit monde bien pensant d'Edinbourg. Auprès d'elle, on retrouve sa nièce Cat, qui tient une épicerie fine, avec des bons petits thés, cafés, chocolats, et autres huiles d'olive ou fromages italiens!

Petits romans "cosy", bien agréable à lire en picorant!

A déguster sans modération!


26 septembre 2006

Panoramusical!

J'ai eu l'envie de lire pour la première fois du Pascal Quignard! Vous connaissez peut-être, car c'est lui qui a écrit Tous les matins du monde, immortalisé ensuite à l'écran par un bien joli film!Ne sachant trop par quel bout entrer dans cet univers, j'ai commencé par le dernier de ses romans: Villa Amalia, que je viens tout juste de finir...





J'ai beaucoup aimé le début. Dans un style très musical ("toute l'atmosphère se tendait de nouveau comme une corde de violon sur la touche") et elliptique (usage de quelques mots entre parenthèses pour nous faire humer ce que dégustent les personnages dans un petit restau, ou tout simplement pour indiquer les motifs du papier peint au mur!), Pascale Quignard nous invite à suivre une jeune femme qui décide de tout quitter et de se construire une vie nouvelle. Elle vend sa maison, ses meubles, change de vêtement, se coupe les cheveux, jusqu'à se perdre un peu peut-être, et part en Italie. Là, elle tombe sous le charme d'une vieille villa où elle refait peu à peu sa vie.

C'est le fameux mythe de la vita nuova... l'idée qui peut parfois nous traverser l'esprit de tout quitter, de partir ailleurs, de tout laisser, de disparaître, de changer, réécrit ici tout en musique et en intensité.

"Tous les amants ont peur. Elle avait terriblement peur de ne pas convenir à la maison. Elle eut peur de ne pas savoir s’y prendre en lançant les travaux. Peur d’en altérer la force. Peur de rompre la force. Peur aussi d’être déçue. Peur de ne pas être aussi heureuse qu’elle pensait qu’elle allait l’être quand elle avait découvert la villa pour la première fois.Le printemps balaya la peur.Ce furent les grands jasmins sauvages. Ce furent les buissons de roses. Ce furent les anémones sans nombre, aux couleurs si profondes, aux beautés de soie. Ce furent les pavots."

25 septembre 2006

D'un silence à l'autre

Ce week-end, j'ai lu Apprendre à finir de Laurent Mauvignier. Découverte d'un style méticuleux, opératoire, sonore. Dans le silence d'une femme trompée, tous les petits gestes du quotidien prennent sens: prendre l'ascenseur, mettre un bouquet de fleur dans un vase, faire le lit.





Laurant Mauvignier est publié aux Editions de Minuit, et bien sûr la couverture m'a fait penser à un autre silence: Le silence de la mer, premier livre des Editions de Minuit. Je me souviens avoir aimé ce livre, il y a longtemps. Et je me rappelle encore mieux avoir lu peu après La bataille du silence... Ce livre raconte la création des Editions de minuit par Jean Bruller, alias Vercors, dans les années 1940. Vercors y raconte lui-même sa double vie: vie d'écrivain sous le nom de Vercors, vie d'éditeur caché dans la nuit sous un autre nom. Même sa femme qui avait lu et aimé Le silence de la mer ne savait pas que c'était de lui. Il raconte le transport des livres en cachette à vélo en plein Paris. Il décrit les côtes à monter au nez des allemands. Bien sûr pas question de montrer que c'est difficile, que le vélo est lourd, chargé! Il parle de la difficulté de retomber dans la vie normale, où tout le monde redevient juste son nom, sans cette force de la solidarité anonyme ou pseudonyme de la résistance.

Précieux héritages donc que ces Editions de minuit!

Enfin, pour revenir à Apprendre à finir, un clin d'oeil: Laurent Mauvignier parle de "pépites" et je me suis dit que ce serait chouette de trouver les écrivains qui donnent de belles définitions du mot "panorama" ou "pépite". Déjà un de trouver! Si vous en croisez d'autres, faites-moi signe!

"et alors je cherchais les signes, je taillais à vif dans les souvenirs, dans la mémoire je faisais des trous, je creusais et j'aurais voulu trouver comme des pépites des mots qui aurait depuis longtemps porter le germe: son abandon de moi"



22 septembre 2006

Littérature de sac à main!

Et oui, la fin des vacances, la reprise du travail, la rentrée, et la rengaine: "J'ai plus le temps de lire." A tous ceux dont cette petite phrase a traversé l'esprit, je voudrais parler d'un remède miracle: ces petits livres de poches qu'on peut glisser dans son sac à main (ou ailleurs!) et sortir à l'arrêt du bus, entre deux stations de métro, en salle d'attente, en faisant la queue, etc.





Petit inventaire à la Prévert:

- Les fables de Lafontaine: chacune d'elles est un petit univers à soi. Elles sont tour à tour drôles, satyriques, ironiques. Tout est dans le mot choisi, la réplique, la surprise. Et en prime, une petite leçon de vie!

- La première gorgée de bière de P. Delerm: petits textes d'une ou deux pages sur les petits plaisirs quotidiens. Par exemple: le premier jour où l'on peut manger de nouveau dehors, la sortie de la boulangerie avec la pyramide en papier qui cache les gâteaux du dimanche, le moment où la salle devient noir au cinéma juste avant le film, etc. Un petit délice!

- Exercices de style, de R. Queneau: C'est toujours la même petite histoire banale d'un type dans un bus, mais racontée de 99 façons différentes! C'est très ludique!

- Paroles de J. Prévert: Ca vous donnera la clé de l'expression "inventaire à la Prévert", mais au-delà de ça, c'est poétique, touchant, drôlatique. On peut y piocher ce qu'on veut selon l'humeur!

On peut toujours trouver le moyen de glisser un peu de littérature dans sa vie!

Rêver d'une place ailleurs...

Littérature d'ici ou d'ailleurs: aujourd'hui littérature allemande!

Qu'il est doux de s'endormir le soir après quelques pages lues en allemand, ça berce, ça apaise, ça emporte. Et parmi mes plus belles découvertes, il y a Judith Hermann, aujourd'hui traduite en français: Rien que des fantômes (Nichts als Gespenster) et Maison d'été, plus tard (Sommerhaus, später).

Ses livres sont des recueils de nouvelles, pleines de mélancolie et de sensibilité, sur ce que rêver d'un ailleurs apporte.



Y repenser, c'est comme réouvrir un vieil album de photo. Sur l'une d'elles, je vois un couple perdu au fin fond du désert du Nevada. Ils sont assis dans un pub à côté d'un homme du coin, qui leur sourit. L'homme a ce sourire de celui qui vient d'acheter pour la première fois des baskets format bébé, si petite, si mignonne, si fragile. Eux, ils sont surpris, ils écoutent. Un jour ils montreront la photo à leur enfant, un jour peut-être...

Et puis il y a cette photo d'un bleu soutenu, glacial, une photo d'Islande. Judith Hermann la fait voyager par courrier, la fait changer la vie d'un couple, lui fait prendre sens.

Toutes ces photos sont des panoramas tronqués où l'on ne peut que deviner les manques. La lumière y est toujours fragile, fugace.

Derrière toutes ces photos, on retrouve en négatif la solitude, la nostalgie, les voyages et les rêves ou illusions qu'ils construisent, les petits mots du quotidien pour dire l'impossible.

... Et en fond sonore, les dédicaces de Judith Hermann:

"Wouldn't it be nice

If we could live here

Make this the kind of place

where we belong"

"The doctor says, I'll be alright

But I'm feelin blue"

Tom Waits

20 septembre 2006

Voir leur monde

Cet été, j'ai lu un roman surprenant: Tout est illuminé de Jonathan Safran Foer. Sûrement un des auteurs les plus créatifs et déjantés du moment! Il suffit d'aller voir son site internet pour comprendre.

Tout est illuminé est à la fois étrange, polyphonique, et tortueux. Avec tous les frottements, toutes les rencontres, tous les chocs, quelques étincelles se produisent parfois en bas d'une page et on en reste bouche bée. Du coup, lors de cette rentrée littéraire, j'ai eu la curiosité de lire le dernier roman de sa femme: L'histoire de l'amour, de Nicole Krauss.

Et c'est étonnant à quel point son univers est proche de celui de son amour! Les mêmes croisements, les mêmes folies, les mêmes peurs, les mêmes souvenirs, la même culture juive, les mêmes mystères, etc. Même la construction de son roman, le mélange des formes, ou encore la mise en page hors du commun rappellent Tout est illuminé. A n'en pas douter, ces deux-là partagent la même vision panoramique du monde!

Finalement tous les deux répondent à la même question: comment faire l'opposé de disparaître?

Alors trois indices pour vous glisser dans L'histoire de l'amour:

- Un coeur
- Un livre ouvert
- Une boussole

A vous de résoudre l'énigme en Pologne, Russie, Italie, Chili, Etats-Unis ou ailleurs!



N.B. : Je lis les romans dans leur version originale, c'est à dire pour Jonathan Safran Foer, Nicole Krauss, mais aussi Alexander McCall Smith cité précédemment, en anglais. J'espère que les traductions françaises gardent intactes toutes ces merveilleuses impressions de lecture. Sinon, je ne peux que trop vous conseillez les versions originales: Everything is illuminated, The History of Love, The Number One Ladies Detective Agency, Tears of the Giraffe, etc.

19 septembre 2006

Le secret de nos jardins

Aujourd'hui, vue sur un grand jardin, qui se dégage derrière des portes vitrées toutes propres. Mais ce jardin a ses mystères, et il enferme un secret: une piscine, enfouie sous la terre et la pelouse bien tondue. Cette piscine au coeur d'un drame familial est à l'image du dernier roman d' Alice Ferney, Les Autres. Un roman où l'on découvre que l'on ne se connaît jamais vraiment soi-même, sauf à travers le regard de l'Autre qui ne nous connaît pas et reste pour nous un mystère!



Combien de trésors ou d'horreurs enfouis au plus profond, et qu'aucune vue panoramique ne révèle... à moins de se prêter, comme les personnages du roman, à un jeu terrible: caractère.

Il s'agit de répondre chacun son tour à une question du genre: qui parmi les joueurs est le plus attaché à l'argent? Qui n'est pas capable de mentir? etc. Puis de suivre Alice Ferney dans son subtile exercice de style. Le roman est en effet composé de trois parties: choses pensées, choses dites, choses rapportées. Dans la première, on entre tour à tour dans la tête des différents personnages. Dans la seconde, on peut lire le dialogue de la soirée, dans la troisième on découvre ce qu'on en a dit. Un jeu de miroir entre trois niveaux de vie avec lesquels nous jouons sans cesse: notre monologue intérieur, notre discours, ce qu'on peut en dire.

Déjà Alice Ferney avait frappé juste avec La conversation amoureuse, et avait prouvé que sa sensibilité lui permettait de reconstruire nos décors intérieurs. Elle nous surprend encore avec ce roman en triple écho, une belle découverte de cette rentrée littéraire!

18 septembre 2006

Mines de rien...




Aujourd'hui, je vais vous parler de mines... Pas de celles de mes crayons, car le blog est l'absence même de crayons! J'aurais pu vous parler de mines d'or, car ne l'oublions-pas, nous cherchons des pépites à partager! Mais ce sera plutôt des mines d'autres métaux et minéraux... puisque nous parlons des mines du Botswana, théâtre des romans d' Alexander McCall Smith. Mais nous parlons aussi des mines déconfites des femmes africaines, qui viennent consulter Mma Ramotswe, la plus célèbre détective du pays. Toutes les occasions sont bonnes: le mari envouté par les mauvais esprits, le fils disparu au milieu des giraffes,...

Alors asseyez-vous à l'ombre, prenez un bon petit thé, et contempler l'Afrique. Paysages poussièreux, peuplés d'humains d'une extrème politesse, d'une juste pudeur, et d'un esprit riche des esprits qui l'entoure.


Alexander McCall Smith décrit à merveille les ambiances du pays, lui qui a vécu en partie de part ces contrées, avant de ne regagner son Ecosse bien aimée, nous aurons l'occasion d'en reparler, c'est promis! Son écriture est très simple, douce et délicate. Ses personnages sont attachants, si bien qu'une fois la série commencée, on se jette sur la suite des aventures de la première agence de détective féminine du pays! Chaque cas à résoudre soulève des questions d'éthique, des pierres chaudes qui abritent parfois des serpents. Mais ne vous inquietez-pas si vous vous perdez en route, Mma et son cher garagiste réparent avec une façon bien à eux tout ceux qui passent la ligne de leur horizon.


Bonne lecture, bon voyage!

17 septembre 2006

panORamiques première! Partons vite et rentrons tard!

Aujourd'hui, vue sur un petit univers plein d'humanité, de chaleur, de quêtes et de vie: celui de Fred Vargas et de ses polars (aux éditions Viviane Hamy ou J'ai lu).




Pourquoi? D'abord, parce que tout n'est pas aussi rationnel que le plan de la cathédrale de Strasbourg, ensuite parce que tout n'est pas aussi brumeux qu'un paysage breton, enfin parce que nous devons tous peu à peu apprivoiser nos paradoxes, et cela sous toutes les latitudes...

Comment? Suivre le commissaire Adamsberg en pleine activité méditative déambulatoire. Se laisser porter par les visages croisés, les paroles vécues. Humer le goût de la vie. Ou encore emménager l'espace d'un instant avec trois historiens: un de la préhistoire, l'autre du Moyen-âge et le dernier de la première guerre mondiale. Se laisser porter par les silex à reconstituer, les inventaires de manoir. Sentir l'odeur du gratin qui sort du four.

Où? A Paris, dans le Mercantour, au Canada, en Bretagne, en Normandie ou ailleurs, c'est entre les lignes que vous aurez pignon sur rues agitées par un crieur de nouvelles noires, sur bistrots bondés, sur rivière aussi large qu'un fleuve. Et parfois au creux du décor se cachent des pépites, juste quelques mots qui vous donnent envie de convertir votre énergie en douceur, en curiosité, ou en tout autre chose... Ce fameux "je ne sais pas" Adamsberguien!

Un petit conseil: lisez les romans de Fred Vargas dans l'ordre de parution, vous ne regreterez aucunes de vos périgrinations, et vous aurez à chaque virage des vues superbes!