28 août 2013

L'art de la joie... en Sicile



L'art de la joie a longtemps été un grand roman du XXe siècle caché et méconnu, car son contenu était jugé trop scandaleux. Roman charnel et sensuel, écrit avec le corps tant qu'avec l'esprit, il nous emmène en Sicile où l'on suit le destin de Modesta, née le premier janvier 1900. Jeune fille issue d'une famille pauvre, elle va devenir riche et noble. Mais entre temps elle aura commis le pire comme le meilleur, affronté les guerres, les préjugés, les peurs et les doutes. Elle aura connu de multiples vies, de multiples âges, et de multiples amours.

Modesta est un très beau personnage de femme, complexe, intelligente, et indépendante. Sa part de noirceur est aussi dure que sa grandeur. Elle est tout à son désir, à sa sexualité, tout à ses expériences. Elle est tout à ses exigences et ses espoirs. Elle porte de la première à la dernière page un roman que l'on pourrait qualifier de féministe.

"Quiconque a connu l'aventure de doubler le cap des trente ans, sait combien il a été fatigant, âpre et d'excitant d'escalader la montagne qui des pentes de l'enfance monte jusqu'à la cime de la jeunesse, et combien a été rapide, comme une chute d'eau, un vol géométrique d'ailes dans la lumière, quelques instants et... hier j'avais les joues fraîches des vingt ans, aujourd'hui - en une nuit - les trois doigts du temps m'ont affleurée, préavis du petit espace qui reste et de la perspective finale qui attend inexorablement... Première, mensongère terreur des trente ans."

Pour Sapienza, l'homme et la femme se doivent d'être libre. Pour cela, chacun doit se battre, le vouloir et y croire, coûte que coûte. A la vie, à la mort. Il faut à tout prix éviter les dogmes, les idéologies, les carcans sociaux ou politiques. Il faut vivre en pleine conscience de son existence et de la joie qu'il y a de vivre, tout simplement.

"-Qu'est ce que tout cela a à voir?
-Ça a à voir, parce que chez tes camarades, je n'ai trouvé qu'aspiration mal dissimulée à la sainteté et vocation au martyre. Ou la férocité du dogme pour cacher la peur de la recherche, de l'expérimentation, de la découverte, de la fluidité de la vie. Si tu veux le savoir, je n'ai rien trouvé qui ressemble à la liberté du  matérialisme."

En bref, une grande fresque où l'on croise des religieuses, des nobles, des pauvres, des anarchistes, des communistes, des fascistes, des croyants, des rêveurs, des malades, et des morts.

Merci à Etienne et Marie-Louise pour ce beau cadeau...