29 juin 2008

La souris bleue




Je viens de refermer La souris bleue de Kate Atkinson (en V.O.: Case Histories). Cette auteur américaine nous y raconte l'histoire d'un détective, Jackson, face à différentes afffaires criminelles près de Cambridge. Tout tourne autour de dispartions mystérieuses et du devenir des êtres humains.
Les intrigues se mêlent d'une façon originale, ce qui rend la construction du roman assez piquante. On y suit une famille qui va être marquée à jamais par la disparition de la petite dernière, Olivia, trois ans... une nuit. On accompagne Théo, un père obèse, qui cherche à résoudre le mystère de l'assassinat de sa fille préférée, dans son cabinet d'avocat, un jour comme les autres... On cherche Tanya, la fille survivante d'un massacre familiale. A tout ça se mêle aussi la vie privé de Jackson... Bref, la souris bleue est un objet littéraire bien difficile à attraper, tant les fils courent en tous sens pour former un tissu multicolore à motif tantôt tordus tantôt simples.


Une chose est sûre, la grande qualité de ce roman est certainement le style de son auteur, surtout au début du récit, lorsqu'elle nous présente ses personnages: "Michelle faisait sonner son réveil cinq minutes plus tôt chaque jour. Ce matin, il avait sonné à cinq heures vingt. Demain ce serait cinq heures et quart. Elle voyait bien qu'elle allait devoir s'arrêter un jour si elle ne voulait pas se lever avant de ne s'être couchée. (...) Il lui aurait fallu plus de temps, elle n'en avait tout simplement pas assez. Elle n'avait pas trouvé d'autre moyen d'en trouver. Michelle essaya de concevoir une façon de fabriquer une chose aussi abstraite et ne put trouver que des exemples sortis de sa modeste économie domestique: tricot, couture, et cuisine. Imaginez qu'on puisse tricoter du temps. Bon Dieu. Ses aiguilles tricoteraient nuit et jour."


Quant à Laura, ça donne ça: "Laura, qui aimait les yaourts à l'abricot, buvait du thé et pas de café, qui chaussait du 40, adorait les chevaux, qui avait pris des leçons de guitare classique pendant cinq ans mais n'en jouait plus jamais, qui n'était pas encore remise de la mort de sa chienne Poppy, etc"


Une déception, cela dit pour reprendre l'image de la couture: Kate Atkinson détricote trop vite les affaires. Rien n'avance puis tout se résout d'un coup, comme par magie, tout est lié, tout s'explique, et d'une façon assez basse et banale finalement... Tout tourne autour d'une morale assez simple. Mais pour toutes les phrases faites main qui font sourire instantanément, pour toutes les références musicales, littéraires ou cinématographiques, et pour la magie d'une construction temporelle fort intéressante, on lui pardonne! Et on en redemande!




23 juin 2008

Sex and the City version Oldies!


Je viens vous faire part de ma récente découverte de Barbara Pym! Une auteur anglaise du début du XXe siècle, récemment décédée, et souvent méconnue de ce côté de la manche.


La lecture de son roman Une corne d'abondance (ou en VO: A glass of blessings) s'est révélée délicieuse! Elle y raconte la vie de Wilmet Forsyth, l'épouse d'un employé du ministère, assez upper-class pour occuper son temps en soirée de charité, et ses journées en shopping ou gossiping autour d'un thé! Mais surtout, le lieu clé du roman est la paroisse, lieu de tous les échanges, regards convenus ou moins...


Barbara Pym a un talent qui se cache dans les détails des dialogues ironiques. Derrière une superficialité flagrante de l'histoire (on suit la vie des femmes d'une paroisse pour qui l'unique sujet est de savoir qui sera le nouveau vicaire!) se cachent milles et une petites lignes ou répliques amusantes, qui en disent long sur la vie en société, les petites hypocrisies, les rêves étouffés,...


En fait, lire Barbara Pym, c'est retrouvé l'atmosphère piquante de Sex and the City, mais version oldies... Vous frissonerez d'une main posée sur l'épaule, d'un mot dit plus doucement. Vous vous pamerez des tenues "bleu royal" ou devrais-je dire "bleu crillard"... Enfin, je vous laisse savourer le mystère Piers Longridge, sûrement le Mister Big du roman!


14 juin 2008

En éclats...



Ca commence comme un conte... comme une histoire pour enfant... Il y a un ogre, une forêt, des enfants, etc. Pourtant c'est un roman: Le rire de l'ogre, de Pierre Péju.

On suit l'existence de Paul Marleau, adolescent du début des années 60, envoyé en Allemagne en accord d'échange. Sa vie croise et recroise celle de Clara, une allemande passionnée de photo. Tous les deux ont des familles marquées par la guerre, le secret, le mystère des barbaries. Chacun à sa façon cherche à vivre, avancer et construire malgré tout. Il s'aime, mais c'est bien plus encore.

C'est un roman saga, à conseiller à tous ceux qui aiment voir se mêler les histoires à travers le temps, les guerres et les paix.

C'est un roman d'une écriture simple et facile.

C'est un roman en éclats, de rire, d'obus, de mal, de haine, de lâcheté, d'art, etc.

Je vous offre la recontre entre Paul et Clara:

"-Pardon, cher Français, mais je film toujours.. tout le monde... tout ce que je vois!
Elle a déjà cette voix imperceptiblement voilée, un peu éraillée par instants, pourtant douce. Elle se penche sur mon dessin et je vois remuer sa poitrine dans l'échancrure du chemisier noir.
-Je suis Paul Marleau, j'habite chez...
-Chez Thomas, je sais. Et je sais que toi tu dessines toujours!
Elle brandit son petit appareil gris clair muni d'une clef chromée pour remonter le mécanisme.
-Ma caméra me suit partout, m'explique-t-elle. Elle voit ce que mes yeux ne voient pas.
Les yeux de Clara me font un effet bizzarre: comme si un autre regard, très grave et très vieux, se dissimulait au fond de cette clarté bleue, de l'autre côté d'un miroir sans tain."

12 juin 2008

Tout doux...




Il y a des moments où le désir de lire s'en va prendre l'air. Et l'on se retrouve face à des pavés, qui semblent bien trop lourds à tenir et bien trop inconfortables à regarder. Dans ces moments, il faut parfois les mots passionnés d'un ami pour un livre ou un petit cadeau surprise, pour nous remettre sur la voie des mots qui coulent et qui font du bien.


Pour moi, ce fut ces derniers jours Petit éloge de la douceur, de Stéphane Audeguy, qui m'a redonné l'envie de littérature. Et pourtant, c'était pas gagné! Stéphane Audeguy m'avait tout de suite intriguée quand était sorti son premier roman au titre enchanteur: La théorie des nuages. J'avais couru l'acheter. J'avais dégusté les premières pages. Avant que le livre ne me tombe des mains, et que je me sente comme dupée sur la marchandise! Cette expérience m'avait laissée un goût amer. Je m'étais dit que ce Monsieur Audeguy ne m'attraperait plus avec ces titres au 1000 miroirs, qui ne sont que mirages!


Et puis là, j'ai reçu Petit éloge de la douceur. Et pour vous dire, ce livre est à croquer! Il y a des bonbons en couverture, des couleurs pastels, un petit format, bref, on a envie de le manger! Et puis, le sujet m'a intéressée tout de suite: la douceur. J'ai l'impression qu'on vit dans un monde qui a effacé le concept! Est-on doux avec nous-même? Que reste-t-il de la douceur dans nos vies?


La première idée qui m'est venue ce sont les vêtements tout doux. Un pull tout doux... qu'on aime porter, ou contre lequel on aime se blottir. Et puis il y a la couette propre toute douce dans laquelle on se couche le soir. Ou encore une crème ou un savon tout doux sur la peau. Malgré tout ça, et comme le dit très bien la quatrième de couverture du livre, qu'il est difficile de parler de douceur sans s'entendre dire qu'on est niaivre, faible ou fleur bleue. Alors que la douceur, ça fait du bien! Si vous saviez!


Mais vous me direz, de quoi parle ce livre alors? Ce sont des petits textes sur l'architecture, le jazz, les jardins, la cuisine, qui cherchent à attrapper un bout de douceur. A voir pourquoi elle nous échappe. Pourquoi on la pietinne. Pourquoi on la retrouve. Ce qui m'a enchantée, c'est que ce livre m'a rappelé Barthes, et ses cours au collège de France, que j'aime tant écouter, et ré-écouter! J'ai l'impression que c'est presque un hommage que Stéphane Audeguy lui rend. Le même sens des mythologies modernes. Le même sens de l'humour ou de l'ironie sur notre monde. Le même amour des haikus. La même façon de tirer d'un geste quotidien une pensée qui traverse. C'est sûr, ces deux-là partagent bien des choses...


Allez, une petite douceur pour la route:


"Incorporels:

Certains esprits se délectent de paradoxes tels que celui-ci: si j'achète un vélo, et qu'en dix ans de temps je remplace, de loin en loin, chacunes des pièces qui le composent, ai-je changé de vélo? Il faut méditer sur le devenir doux des choses: que signifie grandir? ou verdir? ou mourir?"


Ce petit folio à deux euros (à prendre au premier sens du terme bien sûr!) plaira à tout ceux qui aiment les aphorismes, à tout ceux qui sont interpelés par les pensées de Barthes (voire même Nietzsche), et à ceux qui ont la curiosité des choses et des gestes.