23 mai 2011

A vif












J'ai refermé le livre avec le requiem de Fauré dans la tête, et aussi bizarrement la chanson de Brel qui fait "Je ne sais rien de tout cela, mais je sais que je t'aime encore." Et en fait, c'est logique car ce texte est un condensé d'amour pour une femme qui vient de mourir brutalement. C'est une ode à sa vie, à sa joie, et à tout ce qu'elle a donné.

J'ai refermé le livre avec une larme à l'oeil. Il est difficile de ne pas resentir le manque, la douleur, même si c'est bien autre chose que nous donne Christian Bobin dans La plus que vive.

On y trouve des pages sur les hommes et les femmes qui valent leur pesant d'or: "Les hommes sont des petits garçons obéissants. Ils vivent comme on leur a appris à vivre. Quand le temps est venu de quitter leur mère, ils disent: d'accord mais il me faut une femme, j'ai le droit à une certaine quantité de femmes rien qu'à moi, il me faut une femme dans mon lit, à ma table, une mère pour mes enfants et pour moi qui resterai inguérissable de mon enfance. Et parce qu'il leur semble que le meilleur moyen de tenir une femme, c'est de l'épouser, alors ils épousent et prennent le mariage comme un fléau de plus, une corvée inévitable comme celle du travail salarié et des courses le samedi. Quand ils ont leur femme, ils n'y pensent plus. Ils jouent avec un ordinateur, réparent une étagère, passent la tondeuse dans le fond du jardin." et ailleurs "Chrisitan, il faut que j'aille chercher la petite à l'école, que je corrige un paquet de copies, que j'achète de l'huile et des pâtes, que j'écrive une lettre, il faut que je sois ce qu'on nous demande d'être à toutes: parfaite et en plus légère dans cette perfection et non seulement légère mais disponible, et non seulement disponible, mais parfumée, élégante, tous les soirs jouer cendrillon et toute la journée se demander comment diable changer les citrouilles en carrosse, et cinq minutes de promenade en cinq siècles de bonheur, marche plus vite, Christian..."

On y pêche aussi des moments de grâce et d'étincelles, sur les mères, le Christ, la vie, la joie:

"Il y a quelque chose de terrible dans chaque vie. Il y a, dans le fond de chaque vie, une chose terriblement lourde, dure et âpre. Comme un dépôt, un plomb, une tâche. Un dépôt de tristesse, un plomb de tristesse, une tâche de tristesse. A part les saints et quelques chiens errants, nous sommes tous plus ou moins contaminés par la maladie de la tristesse. Plus ou moins. Même dans nos fêtes, elle peut se voir. La joie est la matière la plus rare dans ce monde. Elle n'a rien à voir avec l'euphorie, l'optimisme ou l'enthousiasme. Elle n'est pas un sentiment. Tous nos sentiments sont insoupçonnables. La joie ne vient pas du dedans, elle surgit du dehors - une chose de rien, circulante, aérienne et volante"

Mais pas de philo, de réligiosité. Juste une voix qui nous parle, un timbre posé. Et qui dit les choses des jours qui passent ou qui ne passent plus.

Un livre pour ceux qui aiment les mots et les autres.

14 mai 2011

Qu'est ce qu'être sociologue?









Des hommes ont rêvé qu'inventer la sociologie permettrait de mieux vivre ensemble en démocratie. Ils ont peu à peu fait émerger cette nouvelle discipline en Europe et en France, au CNRS puis à l'université. Et c'est cette histoire ainsi que la sienne que nous raconte Mendras dans Comment devenir sociologue, chez Acte sud.






Ce qui m'a le plus intéressée dans son témoignage, c'est les idéaux de cette génération d'après guerre qui se souhaite à la fois conseiller du prince, médecin de la société, tout en étant en position minoritaire, peu pris au sérieux par d'autres, comme les philosophes, les juristes, etc.


Ce sont ces bourgeois qui tentent de comprendre les ouvriers, ce sont ces individus interpellant leur place dans ce monde qui cherchent à comprendre comment s'articule celle de tout à chacun.


C'est aussi une histoire de vieux maîtres qui transmettent leur savoir, de copains qui découvrent leur vocation ensemble.



C'est enfin la description d'un milieu social et d'une époque, avec certains élèments qui restent d'actualité pour tous ceux qui aimeraient devenir sociologue.



Mendras questionne un mode d'être à la société qui est toujours en danger, celui du sociologue qui décortique les ficelles des pouvoirs en société, les causes de disparités, etc.



Ca se lit comme un témoignage, comme des conseils, et cela entre très facilement en écho avec la biographie de Simone de Beauvoir, tant on retrouve les mêmes personnes, les mêmes groupes, les mêmes revues dans ce petit microcosme parisien.






Alors avis aux chercheurs en socioloige, avis à ceux qui aimeraient mieux comprendre le développement de cette discipline...






Et aussi à ceux qui aimeraient juste en savoir plus sur une génération, dont on ne sait pas vraiment si elle a totalement échoué ou un peu réussie.