30 janvier 2019

Génération K



Et voilà les trois tomes engloutis de Génération K de Marine Carteron!

Je vous avais déjà parlé d'elle en lisant Les autodafeurs.

Cette fois-ci nous suivons Kassandre, Goerges et Mina. Trois jeunes.

Kassandre est la fille d'un patron d'une grosse entreprise pharmaceutique. Elle aime le métal, s'habille en gothique et hait ses parents. Elle est en pleine crise d'adolescence.

Mina est sa meilleure amie et la fille de la femme à tout faire de la maison de ses parents. Elle est plutôt réservée. Elles sont dans la même classe.

Georges, lui, est en prison. Il est d'un milieu social défavorisé, passe son temps à faire des mauvais coups. Il se veut un gros dur qui terrorise tout le monde.

Ils vont découvrir qu'ils sont tous les trois porteurs dans leur ADN d'un gène K qui fait l'objet de convoitise... Ils vont devoir s'allier pour lutter...

Un roman jeunesse qui mêle de nombreuses tendances prospectives: le transhumanisme, l'antibiorésistance, les fake news et la théorie du complot, le changement climatique, etc.

C'est à la fois un roman de science fiction, un thriller, un roman d'émancipation.

En effet, Kassandre, Mina et Georges ont des super-pouvoirs qui se développent en grandissant ! Mais je ne vous en dis pas plus!

Ainsi Marine Carteron interroge le lien à la nature, à la vérité, à la filiation; à la maladie et à la mémoire.

Chacun des héros nous parle à la première personne, avec différents prismes qui nous donnent à voir l'évolution de l'histoire en train de se faire.

Les passages les plus intéressants sont ceux sur l'individu fasce à ses choix et à la solidarité.

Les passages les plus émouvants sont ceux où les personnages se découvrent, dans leur force et leur faiblesse, dans la lumière et la noirceur.

Un roman jeunesse assez noir, violent et sombre et pourtant plein d'espoir.

De nombreuses références à Dracula, et d'autres mythes, mais aussi à la culture pop des super héros, avec un côté décalé et ironique quand même.

Je trouve intéressant de voir le type de super pouvoir que Marine Carteron a donné à ses personnages: le pouvoir de révéler en l'autre ses peurs enfouis, le pouvoir de prendre le contrôle sur la volonté des animaux.

Merci à la librairie du Lieu Unique à Nantes pour le conseil!




26 janvier 2019

Une histoire de sorcière




Découverte de La puissance invaincue des femmes de Mona Chollet pendant les fêtes! Elle y décrit la figure de la sorcière, à travers différentes facettes: celle de la femme indépendante, celle de la stérilité, de la vieille peau, bref à travers des angles souvent rejetés socialement du féminin: l'autonomie, la vieillesse, la femme qui n'enfante pas. Elle déconstruit aussi nos croyances sur la figure de la sorcière: ce n'était pas seulement l'église qui les pourchassait, ce n'était pas que des femmes qui étaient condamnées, etc.

Et du coup, Mona Chollet m'a donné une folle envie de me replonger dans des histoires de sorcières. Je connais par cœur les contes de Pierre Gripari (sorcière de la rue Mouffetard, Sorcière du placard aux balais) , alors je me suis plongée pour la première fois dans Maria Gripe, une auteur suédoise.

Je m'en viens donc vous conseiller Le château des enfants volés de Maria Gripe (à partir de 8 ans), oeuvre citée par Mona Chollet dans l'introduction de son livre.



Sophie et Albert vive dans une petite maison toute simple. Albert est souffleur de verre et Sophie s'occupe de leurs deux enfants, Clara et Crystal. Non loin de là, sous un pommier vit la sorcière Floppy Le Redoux.

Un jour, les deux enfants disparaissent à la foire, et Floppy va aider les deux parents désemparés à les retrouver.

J'aime beaucoup la figure de Floppy. Elle vit seule recluse à tisser des tapis, qui dans les motifs anticipent les changements du monde. Elle a un corbeau qui sort des phrases sages à la limite du compréhensibles. Elle est juste et puissante.

Je trouve le récit très proche du conte, très psychanalytique, sur ce qu'est le désir, la vie, la transmission, la parole, l'image, le poids des mots et des rêves.

Un roman qui plaira aux femmes qui veulent transmettre de la force à leurs filles!

Un conte qui se lit à voix haute aux petits et aux grands, un chapitre par soir!

Merci Emilie pour le beau cadeau que fut le livre de Mona Chollet!

Un petit extrait pour la route::

"Les gens l'avaient surnommée Floppy, car elle sortait toujours enveloppée dans une ample cape bleu, foncé, dont le large col, claquant au vent, faisait flop flop autour de sa tête. Ses bords souples étaient parsemés de fleurs retombant d'une haute calotte violette, garnie de papillons. Quant au nom de Le Redoux, il provenait simplement du fait que l'apparition de Floppy coïncidait avec le dégel. En effet, jamais elle ne sortait l'hiver. (...) Floppy était un personnage très bizarre. Elle savait prédire l'avenir. Dédaignant les cartes, elle lisait dans les lignes de la main ou scrutait le marc de café."


06 janvier 2019

François, portrait d'un absent



Au décès de sa mère, Roland Barthes avait cherché le neutre, sous toutes ses formes, jusqu'à en faire un cours au Collège de France, que j'ai eu un immense plaisir à écouter il y a des années en MP3. Michael Ferrier, à la mort de François, a cherché le blanc, celui du deuil, des paysages de neige, des trous de mémoire qui se comblent. Un blanc très multiple, très profond, et très fuyant.

François meurt avec sa fille, Bahia, en mer, un tout début janvier. Et c'est la douleur et les mots pour tenir qui ont suivi pour Michael Ferrier que ces 235 pages.

François, portrait d'un absent est un livre plein de souvenirs à deux, un livre riche de fulgurances, comme autant de bons mots qui percent dans la nuit, quand on n'arrive plus à dormir. C'est un livre qui donne envie de faire attention aux détails, qui donne envie d'érudition, de bons alcools et de joies partagées.

C'est un portrait précis, comme semblait l'être François, qui connaissait si bien les différentes particularités d'interprétations de certains artistes comme ceux de jazz ou de musique classique. J'ai aimé apprendre le petit geste de la main de Leonhardt en fin de morceau au clavecin comme pour faire durer le silence magique qui clôt l'interprétation. Je trouve qu'on sent de ce silence-là dans les mots de Michael Ferrier.

C'est un livre qui donne envie de se replonger dans Montaigne ou de revoir les grands classiques au cinéma. C'est un texte qui donne aussi une forte envie de découvrir les documentaires de François, et pour ma part, j'espère trouver bien vite ceux sur le Sénégal.

Moi qui est fait mon hypokhâgne et ma khâgne à Lakanal, j'y ai été si surprise d'y retrouver des images de là-bas - Michael et François y ont fait leur prépa littéraire eux aussi.  Mais à l'inverse d'eux, je n'avais jamais fait attention aux types d'arbres qui étaient dans le parc. Cela me donne envie d'y retourner que pour ça. J'aimerais aussi voir un Liquidambar un jour pour de vrai, arbre qui a été plantée en souvenir de Bahia...

Il y a de nombreuses pages qu'on n’oublie pas, dont la 144 qui reprend des principes d'errance en ville que j'aimerais bien un jour tester.

"Straight, no chaser", c'est aussi ce qui caractérise la plume de Michael Ferrier ici.  La vie à l'état pur.

J'aurais aimé trouver à la fin la filmographie de François ou encore une liste des meilleurs ouvrages/films que François et Michaël ont vu ensemble, un peu comme à la fin de la BD Les Ignorants avec la liste des BD et vins partagés. A ajouter pour une prochaine édition!

Un grand merci à Christine pour le conseil de lecture!








01 janvier 2019

Le lambeau



Un roman qui m'a fait penser à l'Ecriture ou la Vie de J. Semprum. Le même geste d'écrire pour survivre, la même place de la littérature et des vers pour tenir au milieu de l'horreur. Le même goût des tisanes froides, tant on oublie de les boire à temps à la lecture!

Le lambeau de Philippe Lançon raconte comment sa vie bascule à Charlie Hebdo lors de l'attentat. Comment il y survit et comment il finit par vivre.

C'est un texte magistral, une plume acérée, un regard sur lui sans complaisance ou presque.

Beaucoup de tableaux ou de scénettes qu'il abrite sont inoubliables. Comme la réponse aux mots fléchés, qu'il trouve pour aider les infirmières en salle de réveil... Comme le yaourt qu'il va pouvoir manger, après des mois sans alimentation par la bouche...

Les liens avec le corps médical sont aussi très habillement décrits, ainsi qu'avec son frère, ses parents, ses amis, son amoureuse.

Un livre qui rappelle les moments à l’hôpital, les moments de douleurs, les cauchemars.... et qui brille de sa singularité dans l'universel de la souffrance.

Un texte qu'on ne quitte pas, qui habite, qu'on lit d'une traite ou presque, parfois les larmes aux yeux... et pourtant sans voyeurisme.

Il a eu le Prix Femina, le prix spécial du Jury Renaudot.

Un livre pour lequel écrire une critique fait qu'on se sent tout pataud et tout bête.

Un texte qui plaira aux amoureux de littérature, d'art et de cinéma.

Un livre pour apprivoiser la mal, la douleur, la fin et les débuts.

Une belle façon de passer le 1er de l'an...

Avec tous mes vœux pour 2019, et surtout celui que vous gouttiez à des pages inoubliables, que vous sautiez d'un livre fort à un autre livre intense, que vous retombiez sur des mots oubliés, que vous en inventiez d'autres!