30 novembre 2007

Retombée dedans...

Un court message pour vous dire que je viens de replonger dans la célèbre Trilogie de S. Larsson: Millenium I, II, III... Je DEVORE le tome II... à en râter des stations de métro, c'est vous dire...
Au début j'avais eu du mal avec la violence, mais maintenant je commence à apprécier qu'un homme se plaise à DENONCER le mal fait aux femmes, à vraiment parler de ces sujets tabous et douloureux que sont le viol, la prostitution des jeunes filles de l'Est qui croient trouver en une Europe de l'ouest un eldorado et qui tombent des nues, l'abus de pouvoir de certains hommes sur des femmes en position de faiblesse parce que leur subordonnée, ou dépendant d'eux légalement, etc...
Et puis je me suis super attachée à Mikael et Lisbeth, les personnages du roman, qui ont tout pour attiser la curiosité...
C'est vraiment un roman scandinave avec un autre rapport au corps, à la sexualité, d'autres façons de vivre en société,...
Ca éclaire sur le fonctionnement des médias, de la police,...
Bref, ça se lit tout seul, et on en redemande!
Ca peut être un très beau cadeau de Noël pour tous les amateurs de pollars venus du froid...

28 novembre 2007

Poetry made in US

Aujourd'hui, pour changer, petit détour vers la poésie. Une poésie fabuleuse mais parfois méconnue de notre côté de l'Atlantique, la poésie US du XIXe de Walt Whitman et Emily Dickinson!

Un peu de calme et de douceur...

Among the multitude, W. Whitman

Among the men and women the multitude,
I perceive one picking me out by secret and divine signs,
Acknowledging none else, not parent, wife, husband, brother, child, any nearer than I am,
Some are baffled, but that one is not--that one knows me.
Ah lover and perfect equal,I meant that you should discover me so by faint indirections,
And I when I meet you mean to discover you by the like in you.


To a stranger, W. Whitman

Passing stranger! you do not know how longingly I look upon you,
You must be he I was seeking, or she I was seeking, (it comes to me as of a dream,)
I have somewhere surely lived a life of joy with you,
All is recall'd as we flit by each other,
fluid, affectionate, chaste, matured,
You grew up with me, were a boy with me or a girl with me,
I ate with you and slept with you,
your body has become not yours only nor left my body mine only,
You give me the pleasure of your eyes, face, flesh, as we pass,
you take of my beard, breast, hands, in return,
I am not to speak to you,
I am to think of you when I sit alone or wake at night alone,
I am to wait, I do not doubt I am to meet you again,
I am to see to it that I do not lose you.





Hope is the thing with feather, E. Dickinson

Hope is the thing with feathers
That perches in the soul,
And sings the tune without the words,
And never stops at all,
And sweetest in the gale is heard;
And sore must be the storm
That could abash the little bird
That kept so many warm.
I ’ve heard it in the chillest land,
And on the strangest sea;
Yet, never, in extremity,
It asked a crumb of me.


I am nobody! Who are you? E. Dickinson

I'm Nobody! Who are you?
Are you – Nobody – too?
Then there's a pair of us?
Don't tell! they'd advertise – you know!
How dreary – to be – Somebody!
How public – like a Frog –
To tell one's name – the livelong June –
To an admiring Bog!


16 novembre 2007

Papillonage dans les nuages

Savez-vous glâner? Connaissez-vous de bons glaneurs? A l'origine, les glâneurs étaient les pauvres gens qui passaient dans les champs pour y trouver les restes des récoltes mangeables. Aujourd'hui, les glâneurs traquent les babioles dans les brocantes lorsqu'ils sont chineurs, les images magiques au coin des ruelles lorsqu'ils sont artistes,... comme le montre si bien Agnes Varda dans son superbe film Les glaneurs et la glaneuse.





Pour ma part, je viens de faire la connaissance d'un glâneur de talent: Denis Grozdanovitch. Dans Rêveurs et nageurs, ou du plaisir parmi les difficultés, il ramasse à la pelle les petites étincelles du quotidien. Mes préférées: son apologie des fantômes et son bref périple aux Indes Occidentales.

Dans le premier, il nous parle des morts et des vivants et de leur étrange façon de cohabiter. Il y a le décès d'un de ses amis et la balle de tenis qu'il jette dans la fausse au lieu des fleurs... Il y a sa rencontre avec un petit homme bien mystérieux au fin fond d'une librairie, un livre d'Alice au pays des merveilles à la main, et emplein de ses amours perdues. Il y a son amie retrouvant le long d'un vieux sommier la bague de sa défunte mère tant pleurée.


Pour les Indes occidentales, il glâne ces instants de voyage qui nous marquent pour longtemps. Parti pour les Etats-Unis, il s'attarde dans les musées, il s'ouvre aux rencontres. Et ça donne de très belles pages sur la peinture européenne, mais aussi de très beaux moments de partage comme avec ce vieux monsieur féru des librairies publiques, ou avec Sue... la belle Sue...


Ce livre est en quelque sorte une collection choisie d'extraits de ses petits carnets de vie ou de route. Ca donne envie de vivre intensemment, de sucer toute la moelle de la vie, pour ne pas, quand viendrait la vieillesse, nous rendre compte que nous n' avions pas vécu,... si vous voyez ce que je veux dire!




Alors si vous vous sentez un peu rêveur, ou nageur (mais ça je ne vous dis pas pourquoi... l'histoire est trop belle pour dévoilée ici les raisons de ce titre si judicieusement choisi), voici un petit extrait qui vous donnera l'esprit de son écriture:


"...Tels des petits enfants, nous sommes assis sur les chaises pliantes sous les marronniers du parc et nous observons, dans une jubiliation extatiques, les marionnettes peinturlurées sur la scène du Guignol - laquelle n'est autre que le théâtre de notre vie: bureaux, magasins, marchés, clubs, salons, où nous recevons et sommes reçus... Là se déploient sous nos yeux, sans que nous en ayons toujours conscience, les ridicules comédies burlesques et rocambolesques dont nous sommes tour à tour les acteurs et les spectateurs et que nous nous jouons ingénuement les uns aux autres.


Parfois pourtant, cette idée nous effleure à l'occasion d'une scène particulièrement heureuse ou pathétique et dans notre for intérieur nous applaudissons en riant ou en frémissant: nous voudrions alors bisser cette scène mais la loi du théâtre de l'existence ne permet aucune répétition et, la scène aussitôt finie, les ombres fugitives qui, pour notre émerveillement ou notre frayeur, l'animèrent, s'évanouissent à jamais, réintégrant l'anonymat du vaste réservoir des formes universelles. Nous restons là, pantelants, tandis que derrière le rideau se laissent encore apercevoir quelques remuements et entendre quleques voix, jusqu'à ce qu'apparaissent le débonnaire montreur et son aide se dirigeant vers la sortie du parc, puisqu'on nous passe notre paletot sur les épaules en parlant doucement, maternellement - car cette même déception, celui ou celle qui nous accompagne l'ont ressenti à leur heure. Aussi, marchant mécaniquement, éternels enfants tenus par la main, nous contemplons se détachant sur le ciel blanc du crépuscule d'automne les dentelures innombrables des feuillages jaunissant du parc..."


J'ajouterais pour les amateurs de petits carnets, que dans le genre, ceux de Paul Auster sont pas mal non plus, voir The red notebook (le carnet rouge pour la version française).

09 novembre 2007

Un enfant à New York, adagio suivi d'un scherzo

Body and soul, de Frank Conroy ou en français dans le texte Corps et âme (traduit de l'américain par N. Akrouf chez Folio) est un magnifique roman musical, mêlant le classique et le jazz, l'harmonie et la cacophonie, les altérations et les points d'orgue. Il s'adresse pourtant à tous, musicien ou non, pourvu qu'on s'intéresse à l'apprentissage et aux rencontres, à l'histoire avec un petit et un grand H.



A travers la vie d'un enfant prodige, Claude Rawlings, le lecteur redécouvre l'histoire du monde entre 1940 et 1960, mais aussi l'histoire de New York ville en pleine mutation, l'histoire des sciences, du cinéma et celle de la musique, et cela sans sécheresse, sans raideur, mais tout en délicatesse.


"Sa première vision sur l'extérieur était le soupirail en forme d'éventail de l'appartement en sous-sol. Il grimpait sur la table et passait des heures à examiner derrière les barreaux le va-et-vient des passants sur le trottoir, son âme d'enfant captivée par la contemplation des rythmes et des cadences, toujours différents, des jambes et des pieds qui traversaint son cham p de vision..." Tout débute là. Claude vit dans la cave d'un immeuble avec une mère dépressive et folle, accessoirement chauffeuse de taxi. Alors qu'il est maigrelet, qu'il ne comprend pas au juste la guerre, les communistes,... (et ce malgré les montagnes de journaux que ramène sa mère quotidiennement), il se penche un jour sur un piano et sa vie en est transformée. Il va se lancer dans une collecte de toutes les petites pièces de monnaie qui trainent sur les trottoirs de New York pour se payer des leçons de piano chez Monsieur Weisfeld, le propriétaire du magasin d'instruments de musique du quartier. Monsieur Weisfeld va transformer sa vie, lui apprendre les notes, les sons, l'harmonie, mais bien au-delà il va lui enseigner l'écoute, la quête, la curiosité, et bien d'autres choses encore. Commence ensuite une grande aventure, de professeur en professeur, de concerto en boogie, qui résonne en nous pages après pages avec douceur et émotion jusqu'au bout. De la petite boutique new yorkaise jusqu'aux salles de concert les plus mythiques, la vie de Claude va s'accélérer, entre amour et peine, surprise et désillusion.


Vous me direz: roman d'éducation banal, long, ennuyeux? Pas du tout. Entre les pages, Conroy glisse des perles, en jettant un regard tantôt ironique tantôt moqueur sur son époque. Il y a par exemple la description que fait Claude des films par catégories! "Westerns = ne pas s'approcher d'un bivouac sans s'annoncer de loin. Ne pas tirer sur un homme désarmé, ne pas tirer dans le dos, ne pas voler un cheval", "Films de guerre = La démocratie vaut qu'on meure pour elle. Les allemands sont intelligents, arrogants et sadiques. Les japonais sont traitres." "Film de gangster = le crime ne paie pas. La police est bonne à moins qu'elle ne soit corrompue", et j'en passe... C'est lapidaire et si bien écrit. Et puis, sans qu'on s'en rende compte, quelques pages plus loin nous sommes au pays de la physique, de la relativité, et Claude se perd dans une grande discussion avec son meilleur ami sur la chute des corps... Tout ça, sans vanité, mais avec justesse et style. En plus, une teinte de mystère accompagne le roman: qui sont les personnages que la mère de Claude transporte la nuit secrètement? Qui est le vrai père de Claude? Que cache le passé secret de Monsieur Weisfeld? mais ça, je ne vous le dirai pas, pour ne pas vous gâcher le plaisir de découvrir ce livre fort touchant... Certainement un de mes coups de coeur littéraire de l'automne.