25 avril 2009

Des bulles de Pologne...




Laissez-moi vous présenter Marzi! Elle a les cheveux roux, de grands yeux bleus d'enfant, une curiosité hors norme, et un regard fin sur le monde des adultes qui l'entoure. Elle vit en Pologne, au moment où Solidarnosc se développe et organise des grèves pour faire chuter le régime communiste imposé par l'URSS. Elle regarde le monde depuis sa tour d'immeuble toute grise en béton sovietique ou depuis le fin fond des champs de fraises de la campagne polonaise.


Marzi est l'héroïne d'une B.D. dont je viens de refermer le Tome 4 avec grand plaisir. Son titre: Le bruit des villes.


Cette B.D. est composée à quatre main: Il y a pour le récit, les souvenirs d'enfance de Marzena Sowa, et pour les dessins les traits vivants de Sylvain Savoia.


On enchaîne des petites histoires anecdotiques et amusantes qui éclairent à chaque fois un des aspects du vécu de Marzi et sa famille. Couleurs vives, voix off, et quelques bulles, et c'est parti, nous voilà dans les années 1970...


En B.D., Marzi nous initie à l'histoire de la Pologne, les grèves, les rationnements, les modes collectifs de survie (un congelo pour tout l'immeuble, et en cas de panne de courant, il y a une vache entière à manger d'un coup!). Elle aborde aussi les points sensibles, comme le massacre de Katyn. A ce propos, je vous recommande vivement le film qui vient de sortir à ce sujet. A Katyn, les officiers de l'armée Polonaise furent tués un à un par une balle dans la nuque par l'armée russe. Les soviétiques en prenant le pouvoir en Pologne ont alors construit un mensonge d'Etat, affirmant que les nazis avaient fusillé les officiers polonais. Bien sûr, toute la population ne fut pas dupe...


Marzi m'a rappelé Marjane Sartrapi et son Persepolis. Grâce au regard de l'enfant, on peut découvrir le régime vu d'en bas, mais aussi les non-dits des adultes, les peurs, les espoirs, etc.


Une B.D. que je recommande à ceux qui voudraient faire un voyage dans le temps, à l'époque du rideau de fer...


Une B.D. pour les curieux des autres!




20 avril 2009

Valsez-vous?




Voici un roman tout droit fait pour ma rubrique "Musicalement vôtre". Il s'agit de La Quatorzième valse de Tubeuf, aux éditions Actes Sud.


André Tubeuf nous transmet sa passion pour la musique et les musiciens à travers ce roman, qui raconte les derniers jours du pianiste Dinu Lipatti, et en particulier son dernier enregistrement, et son dernier récital à Besançon. Tubeuf s'appuie sur des éléments réels de la vie du célèbre pianiste pour construire une intrigue intimiste autour de la musique, comme moyen d'affronter la souffrance et la mort.


Dinu Lipatti se meurt dans d'affreuses souffrances, mais une lettre anonyme de fans va lui donner la force d'aller au-delà de lui pour faire jaillir sous ses doigts une dernière version de ses oeuvres préférées de Bach et de Chopin... Sous la plume de Tubeuf comme sous les doigts de Lipatti se joue quelque chose de divin, mystique, quelque chose de l'ordre de la foi.


Ce qui fait la beauté du texte, c'est l'immersion totale dans le vécu physique et psychologique du pianiste, en scène, entre deux enregistrements, ou seul face aux doutes. Il y a notamment des pages très impressionnantes sur le ressenti de l'interprète en action. Avis aux mélomanes, vous ne serez pas déçus du spectacle...


"Je me suis dit que j’y allais comme en vacances ; que j’y avais bien droit. Madeleine aime conduire. Alice en vacances dans le Midi nous laisse son auto pour la quinzaine. D’ailleurs nous ferons étape à Soleure pour la nuit, chez les chers Dunand : j’ai promis mon concours – gracieux – à un tout petit concert dans leur salle des fêtes, une réunion de famille pour mieux dire, ou paroissiale, en fin d’après-midi. Je le leur dois bien, ils sont de ceux qui nous ont tendu la main quand nous débarquions de Roumanie, Madeleine et moi, avec cinq francs à nous deux. Je leur jouerai Bach, des chorals transcrits. Ils me demanderont Jésus que ma joie demeure, naturellement. C’est devenu (pour autant que je suis, moi, quelqu’un) ma signature. Mais d’abord c’est Bach. En pas même trois minutes, tout Bach : son ordre, sa piété, sa chaleur simple et fraternelle – Dieu qui parle, mais sans les nuées. J’aime ces publics sans sophistication ni snobisme, qui ne savent même pas qu’ils sont le public. Ils ne demandent rien, ils attendent tout. Ils sont là comme s’ils priaient, ou espéraient, de leurs seules oreilles. Ils sont comme je suis resté, je crois, Dieu merci, ils n’en ont pas fini avec la merveille. Mais je n’oserais pas, à eux, jouer tout entière la première Partita, qu’il faudrait quand même que j’aie essayée une fois en public en entier, avant de la donner à Strasbourg en festival, un festival Bach, en plus ! C’est un peu long pour eux, ils pourraient trouver ça sec, ou abstrait. Abstrait, Bach ?! Lui, si sensible, si constamment et mystérieusement incarné ! Mais ils pourraient s’impatienter, et serrés dans ce cadre je les sentirais qui n’osent pas remuer sur leurs chaises, de peur de grincer, déranger, se faire remarquer. Mieux vaut l’éviter. Personne n’écoute avec plus de ferveur, de gratitude anticipée, que ces auditoires de fortune, habituellement privés de musique. Mais ils ne savent rien des manières, des rites. Ils sont assez ouverts pour sentir quelque chose, qui va leur prendre la gorge ; mais ils ont peur de s’y trahir, en toussant, en étouffant ; alors ils se raclent la gorge. La peur de la peur. Eux aussi ont ça. Il n’y a pas que le pianiste."

10 avril 2009

Un délice de cocasserie littéraire...




C'est l'histoire d'un libraire et de sa librairie ouverte 24h sur 24... Une librairie où viennent des acheteurs de livres bien sûr, mais aussi à l'occasion Dieu, le facteur, un témoin de Jéhovah, la plus belle femme du monde, une question, et j'en passe! Une histoire farfelue et réjouissante! Un petit conte moderne, un petit théâtre bien surprenant!


Le titre du roman: Le libraire, et son auteur Régis de SaMoreira.


Vous y rencontrerez des jeunes filles qui ont le syndrôme de la dernière page (elles s'y précipitent en cachette), des groupes qui n'arrivent pas à passer entre les rayons... et toujours le poudoupoudoupoudou de la porte et les tisanes qui rythment les heures du libraire.


Ce roman me fait penser à Prévert, à Ionesco, et à Queneau à la fois! C'est si décalé, que ça prête à lire avec un grand sourire.


Parfois on tombe sur une réflexion philosophique, parfois sur une méditation sur la place des livres, parfois sur une phrase sortie de la méthode assimile pour apprendre une langue inconnue.


C'est une sorte d'inventaire fou de toutes les petites scènes du quotidien d'une librairie, en version surréaliste. A faire pâlir ou rougir les libraires!


Un extrait:


"-Avez-vous un livre sans aucun appareil electro-ménager?

- Voyons... même pas un frigo?

- Surtout pas un frigo!"


Un roman surprenant donc, fait pour les amateurs d'OVNI littéraire à la E. Loe.


Un roman en clin d'oeil aux passionnés de littérature tant les références sont nombreuses et habilement distillées...


Des mots et un style, qui nous portent ailleurs... au bord du monde... dans un grand navire onirique et déjanté...

06 avril 2009

Mystère à Fjällbacka...




Dans un petit port suédois, on avait découvert une femme morte mystérieusement, et nous avions été embarqués dans une intrigue du nord comme on les aime: La Princesse des glaces nous avait tenus le souffle court! Pour ceux qui ne s'en rappelle plus, c'est !


Il faut croire qu'avec Le prédicateur, Camilla Läckberg a encore frappé! Nous retrouvons avec plaisir l'inspecteur Hedström et sa chère Erica, embarqués cette fois-ci dans une affaire d'ossements retrouvés en tas non loin de la côte, sous un corps de femme nue et morte il y a peu. Je ne vous en dit pas plus!


Allez, si, peut-être, un scoop: Erica attend un enfant!


Bref, un polar de chez Actes noirs ACTES SUD, qui mérite de faire les têtes de gondole. Bien construit, avec comme pour La princesse des glaces, un récit qui entremêle le point de vue des victimes en italique et celui des enquêteurs en normal.


Une histoire assez sombre, dans un milieu provincial très étroit, une famille où les haines et les mensonges sont rois, les Hult. Leur caractéristique: Le grand-père était réputé pour ses pouvoirs de guérisseur et de prédicateur, qu'il aurait peut-être transmis à ses fils. Mais le doute planne sur ce gourou et ses héritiers ou déshérités...


Je recommande ce roman à tous ceux qui se trouvent en manque de Millenium (suite au récent poisson d'Avril de Rue 89 annonçant un Tome IV!).


Je conseille ce roman au fan de Mankell, ou Indridason.


Un roman qui ne vous lâche plus, jusqu'aux révélations finales... à faire frémir!


01 avril 2009

Une obscure clarté




C'est un roman fait pour les amoureux d'actualité, les fan de géopolitiques, les curieux de l'ONU, entre autres! Ca s'appelle les Eclaireurs, et c'est la suite des Falsificateurs, tous deux signés Antoine Bello.


Un bref rappel de l'histoire des falsificateurs: un jeune sociologue islandais, Sliv, se fait recruter dans un cabinet de conseil, pour mener des études environnementales. Très vite, on lui demande de modifier son rapport de mission, de changer quelques faits historiques ici ou là. Il se retrouve alors embarquer dans une toute autre aventure: Il découvre qu'une organisation internationale secrète, le CFR, opère derrière son entreprise, et falsifie les faits du passé ou du jour, pour changer l'avenir. Il y est recruté... sans trop savoir sa finalité!


Dans Les Eclaireurs, nous allons enfin pouvoir approcher de plus près le mystérieux Consortium de Falsification du Réel et son fonctionnement... et qui sait découvrir qui se cache à sa tête! Mais je ne vous en dit pas plus!!!! Tout ça sur fond de 11 septembre et de guerre en Irak! Il se pourrait même que des traîtres opèrent pour leur propre compte au sein du CFR... Le suspense est à son comble.


On ne peut pas dire qu'Antoine Bello ait un grand style littéraire. Il maîtrise surtout l'art du dialogue et des comptes-rendus de réunion.


Par contre, son point fort est de mêler très habilement la fiction et le réel, si bien qu'il nous fait réfléchir à l'impact de l'un et de l'autre sur nos vies, mais aussi à leurs liens. Le Pentagone n'est jamais très loin d'Hollywood!


En plus, je trouve que ces deux romans nous offrent une réflexion très intéressante sur les idées, leurs circulations, leurs manipulations. Pourquoi une idée particulière devient-elle un jour importante ou dominante, tandis que d'autres s'évanouissent dans le vide sidéral médiatique?


Enfin, je pense que tous ceux qui s'interrogent sur éthique et politique seront ravis, ainsi que ceux qui sont intéressés par le monde diplomatique.


Une série de romans à recommander pour garder un regard critique sur le monde...