05 décembre 2010

Une maison un été




Peu de romans nous donnent envie d'une vielle maison avec un grand jardin, où ramasser les pommes pour la compote... une maison pas loin d'un lac pour se baigner... une maison pleine de souvenirs, et de vieilles robes dans les placards. Mais Le goût des pépins de pomme (ou plutôt devrais-je dire Der Geschmack von Apfelkernen) de Katharina Hagena est de ceux-là.


Peu de romans apportent douceur mais aussi acidité sur les liens de famille, entre tantes, cousines, et grand-mères.


Une histoire de femmes. Qui sent bon l'été. Juste comme ça.


Une histoire qui interroge les héritages, le passé, la mémoire.


Un livre qui donne envie de déguster des pommes différentes, de comparer leurs goûts.


Tout commence par une réunion chez le notaire, où la narratrice hérite de la maison de sa grand-mère au détriment de sa mère et ses tantes. Ne sachant que faire de cette maison, elle s'y installe provisoirement quelques jours pour faire son deuil et réfléchir à son histoire. Elle parle avec un vieil ami de sa grand-mère, elle retrouve certains compagnons de son enfance. Elle est à un tournant de sa vie. Elle se laisse porter, entre lâcher prise et quête plus ou moins consciente du passé. Tout est-il bon à garder?


Un roman plus d'été que d'hiver, avec un style simple.


A conseiller aux germanistes, à conseiller aux amoureux des vieilles maisons de famille, à consommer sans modération les pieds dans l'herbe une pomme à la main.


Un livre pour la rubrique AU FEMININ!






16 novembre 2010

Une histoire...




Il est loin le temps de l'histoire au coucher... "Une histoire!"

Avec l'arrivée de la nuit tous les jours un peu plus tôt, on peut pourtant en avoir envie au moment de s'endormir. et pour ça il y a les contes! Courts, juste quelques pages fantastiques et merveilleuses avant de fermer l'oeil.


Je viens de refermer Les contes d'indonésie de Nathalier Belin-Ridwan. Et ça m'a fait du bien de tourner quelques pages au moment où les yeux piquent, pour couper avec le flot des pensées du quotidien.


J'ai ainsi fait la connaissance d'un gecko mécontent, de pantoufles de cuir bavardes, et autres rochers aux larmes.


Je ne peux que vous recommander l'évasion du 'il etait une fois' au milieu des 13000 iles de l'archipel indonésien. Très vite vous verrez que ces êtres exotiques vivent des histoires proches des notres.


Prince qui rêve de se marier, vieux couple qui désespère d'avoir des enfants, quand tout à coup, un brin de magie et un peu d'étincelles et tout bascule pour finir par un sourire...
Des contes pour tous ceux qui cherchent un petit ailleurs au lieu de compter les moutons...
Des histoires toutes simples qui vous emmèneront ailleurs tout en restant ici...
Un livre pour tous les âges...
Vous pouvez même tenter de vous les faire lire à haute voix! Histoire de vous endormir paisiblement en écoutant des mots millénaires répétés ici et là.

27 octobre 2010

Une petite pépite new yorkaise




Beaucoup rentrent de New York en rapportant des sacs entiers de shopping de vêtements et chaussures, une mini statue de la liberté dans une boule à neige ou encore un T-shirt I Love NY... Ben moi, je suis revenue en France avec une petite pépite à partager avec vous: un livre pour enfant si beau, si frais, si vert, si tendre, que j'ai craqué. Son titre : The giving tree de S. Silverstein.


C'est l'histoire d'un petit garçon et d'un arbre. L'arbre est toujours là pour l'enfant, il le protège avec son ombre, il lui donne des pommes à manger, jusqu'à avoir tant offert qu'il n'est plus qu'une vieille souche... mais encore là, et après tant de sacrifices du pommier, le garçon devenu homme peut venir s'y asseoir pour trouver un brin de sérénité.


Je ne sais pas si c'est un livre sensé démontrer que l'amour est éternellement généreux et beau et sans limite, ou si il est là pour dénoncer l'exploitation jusqu'à la racine de la nature par l'homme égoïste... mais le coup de crayon m'a touchée de suite!


Du coup, j'ai aussi jeté un oeil sur un autre livre du même auteur, assise tranquille par terre au fond de la librairie new yorkaise... Quel régal! Son titre: The missing piece.

Je vous laisse découvrir ici:

http://www.youtube.com/watch?v=744JBwjrlKk

Encore une leçon de vie à plusieurs niveaux de lecture et d'interprétations...

Pour les bout'choux ou pour les grands au coin des librairies quand il fait froid dehors ou pas!

16 octobre 2010

Hors de tout ce qui est...




Etrange que ce roman hors de tout ce qui est... Le musée du silence a une narration qui s'appuie que sur des éléments qui ne sont plus valorisés ou valorisables dans notre monde contemporain... Ca donne un livre décalé, bizarre, lent, et pourtant riche de sens.


L'histoire: une vieille dame s'amuse à collecter un objet par mort, dans son village. Dès qu'elle voit qu'il y a un décès, elle court s'introduire en cachette dans les maisons lors des funérailles pour ramener un cézame: l'objet qui représentera l'absent, le défunt. Comme elle se fatigue, elle embauche même un jeune homme pour en faire un musée, et continuer à collecter les objets des morts...


Ce dernier a pour passion les musées et un microscope que son frère lui a offert, et où il observe le soir pour se détendre une langue de grenouille, ou autre bout du jardin... quand il ne lit pas le journal d'Anne Franck.


Etrange donc que ce texte hors de tout. Un récit sur la conservation, sur la lente observation, à une époque où cela n'a pas trop de place dans notre société. Un roman sur la mort, mais d'une façon très singulière. Parfois on tombe dans le polar, parfois on flotte dans le mystère, et pourtant rien que l'histoire d'un musée en construction.


Un livre plein de silence aussi. Comme son titre le rappelle fort justement.

Silence des moines qui vivent non loin du village, et ne prononcent pas une seule parole.

Silence des personnages, et étrange obsession de la mémoire.


Un roman pour ceux qui aiment les histoires sans queue ni tête avec des personnages intrigants et hors du commun.


Un roman pour ceux qui aiment les musées et les collections en tout genre.


Un roman pour mettre du rien et du tout dans le quotidien.


04 octobre 2010

Livre à idées




Voici un livre d'un nouveau genre, publié en plus de 20 langues. Il s'agit du livre à idées ou Ideabook. Le concept: Essayer d'avoir des idées nouvelles plus souvent, et d'en garder traces. Pour cela, le livre vous propose des méthodes pour penser différemment, pour être plus créatifs, mais aussi de nombreuses pages blanches qui sont des invitations à prendre des notes.


Au-delà du concept marketing qui certainement a fait mouche en librairie, je trouve qu'il est bon d'avoir des objets qui invitent à créer, comme celui-là. En plus, l'objet est beau en lui-même. Poser sur une table de nuit, il est une invitation à prendre la plume.


L'auteur Frederik Hären vend d'ailleurs son ouvrage plutôt bien. (voir ici) Alors avis aux amateurs!


Un livre pour tous ceux qui veulent s'exercer à avoir des idées neuves!


Un livre à offrir avec des stylos de toutes les couleurs!


Un livre à reprendre régulièrement pour avancer...









15 septembre 2010

Erika se marie!




Ca y est! J'ai enfin lu le dernier tome de la série policière des Camilla Läckberg : L'oiseau de mauvais augure. On y retrouve la petite ville de Tanumshede, son commissariat, et ses meurtres mystérieux.


Bien sûr, ça se lit tout seul. Mais petite déception quand même. Tout d'abord parce qu'auparavant, Erika avait une vraie place dans l'enquête en tant que biographe, alors que maintenant son amoureux et futur mari (scoop!), Patrik, a pris le dessus. Du coup, on retrouve un roman plus classique sur ce que fait la police dans son enquête. Erika est relayée bizarrement à un rôle de femme au foyer débordée par les enfants, les tétés, etc.


Ensuite, une partie de l'intrigue concerne un jeu de télé réalité ayant lieu dans la ville. Malheureusement seuls les stéréotypes liés à ce genre de programme sont exploités dans le roman, alors qu'il y aurait eu tant à creuser!


Enfin, certes préparer un mariage prend du temps, mais ça arrive comme un cheveu sur la soupe au milieu de l'histoire.


Bref, on passe un bon moment, et le dénouement est étonnant, mais l'oiseau de mauvais augure n'est certainement pas le meilleur polar de la terre!


06 septembre 2010

Trois lettres, une passion




C'est l'histoire d'un poète et d'un homme mélancolique au fusil de chasse, croisé un jour. C'est l'histoire d'une passion amoureuse, et tout cela en trois lettres, de trois femmes. Un roman japonais fascinant par la forme et par la subtilité des sentiments dépeints.

C'est Le fusil de chasse de Yasushi Inoué, prix Akutagawa, une des références en matière de littérature au Japon.
Dans chacune des lettres, de la fille de l'amante, de l'épouse trahie, et de l'amante, on trouve la sincérité des sentiments au plus juste, que ce soit par la description du ressenti en métaphores (comme celle du serpent), par le sens donné aux objets (une tenue vestimentaire, le fameux fusil de chasse, etc) ou par les non-dits.
C'est très étonnant, car il n'y a rien. Les lettres sont très épurées. Mais toute l'intrigue est là dans son intensité.
Un roman court, à déguster un soir.
A conseiller aux amateurs de culture japonaise.
A recommander à ceux qui aiment les romans épistolaires.
Un texte à la fois simple, violent, emporté, triste et fort.


31 août 2010

Gestion de crise




Que se passe-t-il quand du jour au lendemain toute une société devient aveugle? C'est la question qu'affronte Jose Saramago dans son roman magistral L'aveuglement. Décédé il y a peu, Jose Saramago est un des auteurs les plus connus du Portugal. Prix nobel de littérature, il n'a eu de cesse de poser son regard critique sur notre petit monde.


Tout commence par un incipit haut en couleur. Un homme est en voiture à un feu, justement là où l'orange, le rouge et le vert font sens, quand soudain le blanc. Un blanc lumineux de partout, plus rien d'autre. C'est alors que tout bascule. Peu à peu l'épidémie gagne du terrain, et l'on se retrouve plonger dans une société à quatre sens où les gens perdent leur nom et leur visage pour n'être que le premier aveugle, la femme du deuxième aveugle, etc. Saramago nous propose la ré-écriture de l'ordre social, pour le meilleur comme pour le pire.


Un livre pour tous ceux qui s'intéressent à la gestion de crises.

Un livre à offrir aux amateurs de romans d'anticipation, mais aussi à ceux qui n'en auraient jamais lu!

Un livre pour ceux qui s'intéressent à la vie en univers carcéral.

Un livre sur l'homme en fait. Saramago interroge l'humain par de longues phrases qui mêlent contexte, dialogue, suspense, jugement, et analyse. Les virgules ponctuent le chaos, dans un flot qui nous emporte d'une traite.


Des scènes magnifiques, des scènes affreuses.


Et au final une leçon de vie.


23 août 2010

Des mots pour faire face




Des livres qui parlent de la déportation, des camps, du retour, j'en ai lu, qui m'ont marquée. L'écriture ou la vie, de J. Semprun, pour commencer. J'ai pleuré.
Cela dit, celui-ci à une place toute spéciale pour moi, et ce par sa quête de la retranscription du ressenti au plus près, dans le malheur comme dans le "bonheur", dans l'imaginaire comme dans le non-sens du réel le plus cru. C'est Etre sans destin, d'Imre Kertesz. Et l'on comprend dès les premières pages pourquoi cet écrivain est prix nobel de littérature.


Les scènes qu'il dépeint, on les a ancrées en nous quand on referme le livre. Par exemple celle où il essaie d'imaginer comment des hommes réunis ont pu concevoir les camps...


"Ils s'étaient réunis, ils avaient très vraissemblablement rapproché leurs têtes, dirais-je, même si ce n'étaient pas des écoliers, naturellement, mais des hommes d'âge mur, des adultes, et peut-être même très certainement, à bien y penser, des messieurs en costumes chic, avec des cigares, des décorations, sûrement rien que des chefs qu'on ne peut pas déranger à ce moment là: voilà comment je me les imaginais. L'un d'eux tombe sur l'idée du gaz. Dans la foulée, un autre trouve la douche,..."


Ou une autre, celle où il sent qu'il arrête de se battre, qu'il sombre dans la mort peu à peu, qu'il ne peut plus lutter...


"J'étais ébahi par la vitesse, l'allure effrénée avec laquelle, jour après jour, diminuaient, mouraient, fondaient et disparaissaient la matière qui recouvrait mes os, l'élasticité, la chair. Chaque jour, j'étais surpris par une nouveauté, une nouvelle difformité sur cette chose de plus en plus étrange et étrangère qui avait jadis été un bon ami: mon corps. Je ne pouvais le regarder sans une impression de désespoir, une sorte d'horreur. C'est pourquoi au bout d'un certain temps, je cessai de me déshabiller pour me laver..."


et je pourrais multiplier ces scènes, ces instants, toujours au plus près d'une quête de précision, de sincérité, de droiture, de finesse.


Pour toutes ses raisons, un livre à lire absolumment.


Pour garder en l'esprit ce que l'homme est capable de faire, mais aussi pour porter en nous le vécu de ces hommes qui lentement nous quittent.

Merci à Jean-Pierre pour avoir mis ce texte dans la pile de romans de mes 30 ans!

05 août 2010

Pour les petits loups!









Un autre livre pour enfants qui m'a beaucoup plu, c'est Freddy et le loup qui rend fou de V. Bourgeau.








Alors que Freddy tente de s'endormir calmement chez lui, un loup débarque, pourchassé par un berger fou qui tire partout. PAN! PAN! Alors Freddy lui ouvre sa porte, et le loup s'endort sous son lit.








Mais bientôt ce sont les moutons qui arrivent pour demander asile. Au secours, le berger fou continue de tirer partout! Alors voici la pièce qui se remplit de moutons, on ne peut plus les compter, mais tout le monde s'endort quand même!








A son réveil, le loup fait BOUH! Et tous les moutons partent affoler!








Alors Freddy lui dit que ce n'est pas très gentil d'effrayer les moutons comme ça. Mais voilà c'est un des jeux favoris du loup. Il lui raconte toutes les fois où il a bien ri en faisant peur aux moutons.






Toutefois pour se faire pardonner, le loup aide Freddy à retrouver les moutons. Ca rassure le berger, car en fait il tirait partout pour essayer de rattraper tous les moutons chassés par les BOUH! du loup...








Tout est bien qui finit bien... à peu de choses près (le berger s'étant tiré une balle dans le pied!)








Des dessins très sympa, naifs et colorés. Simples et drôles. Et une belle histoire avant de s'endormir!








03 août 2010

Mousson généreuse




Un peu comme dans le conte de boucle d'or, j'ai dormi dans le lit de quelqu'un en son absence, une petite Salomée, que je n'ai pas eu la chance de rencontrer... par contre, j'ai eu l'immense plaisir de découvrir ses livres! Et parmi eux: Le parapluie vert de Yun Dong-jae illustré par Kim Jae-Hong.


C'est l'histoire d'une petite fille asiatique qui rejoint son école le matin sous une pluie torrentielle. Heureusement elle est protégée par son joli parapluie vert, ce qui donne pour nous lecteurs des pages magnifiques de gris avec tâches de vert, dans une forme de sérénité tranquille d'un matin de pluie d'Asie.


Sur son chemin, elle croise un mendiant, assis par terre contre un mur, dont tout le monde se moque. Mais elle, elle est touchée par sa présence, son isolement, sous la pluie battante. Quand vient la récréation, elle voit qu'il s'est endormi et délicatement elle lui dépose son parapluie à ses côtés. A la sortie de l'école, il n'est plus là, mais sur le mur, replié, elle retrouve son parapluie.


Mystère du don. Générosité de parapluie.


Une grande humanité se dégage de cet album pour enfant, magnifiquement illustré.


A mettre entre toutes les mains, même des adultes, bien évidemment.

22 juillet 2010

Polar sud-africain




Avec la coupe du monde de football, on a beaucoup entendu parler de l'Afrique du Sud... Et il était grand temps pour moi de lire mon premier roman sud-africain, surtout après tous les conseils avisés que j'ai pu recevoir sur la question! J'ai donc lu Jusqu'au dernier de Deon Meyer.


C'est l'histoire de Mat Joubert, un policier dépressif suite au décès de sa femme, qui essaie de remonter la pente tout en enquêtant sur des mystérieux meurtres au Mauser (arme très ancienne sortie de la guerre des Boers qui est celle utilisée par le meurtrier dans une série d'assassinats macabres qui ébranlent le pays). Parallèlement, il commence une thérapie avec une psychologue, vers laquelle son coeur balance, pour faire son travail de deuil. Etrange chassé-croisé entre rendez-vous avec les proches des victimes et ses entretiens psy. Cela fait l'originalité du roman.


Deuxième particularité bien sûr, c'est le regard que ce livre offre sur la société sud-africaine, sur les liens entre communautés, sur la violence. Et pourtant, c'est ici comme ailleurs. Les douleurs des proches, les mystères en série. Surtout que parallèlement des bracages ont lieu dans des banques, faits par un maitre du déguisement. Alors tout cela a-t-il un lien? Suspense jusqu'aux derniers mots!


Un roman à conseiller à ceux qui aiment les polars à la Fred Vargas. La brigade des vols et homicides abrite son lot de personnages, un de mes préférés étant le serrurier de génie qui ouvre toutes les portes et tous les coffres-forts.


Un roman à recommander à ceux qui ont envie d'arrêter de fumer, de se remettre au sport, et de faire un régime... ou comment l'arrivée d'un nouveau chef à la brigade pousse tout le monde à prendre soin de sa santé...


Un roman pour ceux qui s'interessent aux liens entre thérapeutes et patients.


Pour vous mettre en appétit, c'est ainsi que tout commence:


"Dans le silence du dernier après-midi de l'année, il pensait à la mort. Mécaniquement, ses mains fourbissaient son pistolet de service, un Z88. Il était assis au salon, penché en avant dans son fauteuil, toutes les pièces de son arme posées sur la table basse, entre des chiffons, des brosses et une burette à huile. Dans le cendrier, une cigarette expédiait de longues et maigres volutes au plafond. Au-dessus de lui, à la fenêtre, une abeille se tapait dans la vitre avec une régularité monotone et irritante : elle voulait rejoindre la chaleur de l'après-midi au dehors, là où soufflait un léger vent de sud-est..."

07 juillet 2010

Quelle fin!




J'ai fini Le troisième mensonge, d'Agota Kristof (le tome trois de sa trilogie des jumeaux) assise au soleil. Heureusement qu'il y avait quelques rayons chauds, pour lire ce dernier volet, magnifique mais bouleversant!

A la lecture, on s'interroge sur ce qu'on a lu, sur la réalité et la fiction, sur les personnages que nous sommes et ceux que l'on s'invente. Sur l'identité.

Et si l'on se mentait? Et si l'on réécrivait l'histoire autrement pour tenir? On se perd, puis on se retrouve, pour comprendre le sort tragique de Claus et Lucas qu'aux dernières pages.

Un style pur, et fort. Des personnages en double et en écho.

Une trilogie à conseiller à ceux qui aiment les romans de guerre.

Une trilogie à recommander à ceux qui s'interrogent sur les fratries et les familles recomposées.

Un texte qui marque.

02 juillet 2010

La suite...




Et voilà, le tome 2. La preuve, d'Agota Kristof. Et je suis bluffée de lire cette suite. C'est inattendu et c'est bienvenu. Toujours la guerre, toujours la vie du village, la frontière, mais...


Je n'irai pas plus loin tant j'ai envie de vous recommander de lire cette trilogie.


Le style est si épuré. La prose est si belle, simple.


Oui, c'est un livre sur la guerre, mais pourtant elle joue le même rôle que la météo. Elle peut tout faire changer, tout éclairer sous un autre jour, mais on vit avec, on n'y peut rien.


Je pourrais bien m'imaginer que cette trilogie fasse l'objet d'un feuilleton tv, d'une série. On s'attache aux personnages, ils ne font que nous surprendre. L'histoire est simple et pourtant que de retournements. Pas étonnant qu'elle est reçu autant de prix, et qu'elle ait été traduite dans plus de vingt pays! Une histoire qui fait mouche.


J'attaque le tome 3.

Un roman pour les amateurs d'histoires de vie fortes et marquantes.
Un roman pour ceux qui aiment réfléchir à la place de la lecture et de l'écriture dans leur vie, à celle des livres, des librairies et des bibliothèques.
Un roman pour saisir les enjeux liés à l'exil, à la fraternité, à l'amitié.

27 juin 2010

Des exercices de guerre




C'est un roman court, froid, cru et surprenant: Le grand cahier, de Agota Kristof.


Cet auteur hongroise nous livre la vie de deux jumeaux d'une dizaine d'années, pendant la guerre. Leur mère les a confiés à leur grand-mère, qu'elle n'aime pas car elle l'accuse d'avoir tué son mari. Ils se retrouvent à la campagne, sans eau et électricité. Ils sont maniérés et bien habillés. Ils vont se réinventer une façon d'exister pour tenir dans cet univers terrible et violent.


Ils vont vivre tous les deux cet état de guerre dans tout ce qu'il a d'hors norme. Ils sont rejetés par leur grand-mère, pas grave, ils vont s'unir à la vie à la mort. Ils sont seuls, ils s'inventent une école. Ils côtoient la faim, la peur, les vols, et bien ils vont s'en faire des exercices: exercices de jeun, exercies de silence, exercices de douleurs, etc. Ils font peur, ils fascinent. Ils sont cruels, ils sont enfantin, ils jouent et ils tuent, ils sont au milieu de l'atroce, ils se blindent, et inscrivent tous leurs faits et gestes dans un grand cahier. Tenir par l'écriture, tenir à tout prix.



"Nous nous mettons à écrire. Nous avons deux heures pour traîter un sujet et deux feuilles de papier à notre disposition. Au bout de deux heures nous échangeons nos feuilles. Chacun de nous corrige les fautes d'orthographe de l'autre à l'aide d'un dictionnaire et en bas écrit "bien" ou "'pas bien" (...) Pour décider si c'est bien ou pas bien, nous avons une règle très simple: La composition doit être vraie. Nous devons décrire ce qui est, ce que nous voyons. ce que nous entendons, ce que nous faisons.

Par exemple, il est interdit d'écrire: 'grand-mère ressemble à une sorcière'; mais il est permis d'écrire 'les gens appellent grand-mère la sorcière'."


Ca n'est pas sans me rappeler certains passages d'Une femme à Berlin.


Que vont-ils devenir? Je vais me glisser de suite dans le tome suivant... pour découvrir la suite de l'existence de Klaus et Lucas.


Un livre qui utilise avec talent le regard de l'enfant pour faire mal, pour dénoncer, pour décrire.


Un livre d'un style épuré qui frappe par son côté direct et pragmatique.


Un livre qui fait trembler.



22 juin 2010

Attention chef d'oeuvre!



"Nous perdons tous sans cesse des choses qui nous sont précieuses. Des occasions précieuses, des possibilités, des sentiments que l'on ne pourra pas retrouver. C'est cela aussi vivre. Mais à l'interieur de notre esprit, - je crois que c'est à l'interieur de notre esprit -, il y a une petite pièce dans laquelle nous stockons le souvenir de toutes ces occasions perdues. Une pièce avec des rayonnages, comme dans cette bibliothèque, j'imagine. Et il faut que nous fabriquons un index, avec des cartes de références, pour connaitre précisemment ce qu'il y a dans nos coeurs. Il faut aussi balayer cette pièce, l'aérer, changer l'eau des fleurs. En d'autres termes, tu devras vivre dans ta propre bibliothèque." (Kafka sur le rivage, de Murakami, page 633)





Ce n'est pas tous les jours que l'on tombe sur des mots qui semblent écrits pour soi. Mais quand ça arrive, c'est comme un clin d'oeil qui va droit au coeur, une petite étoile filante qui nous fait espérer.



Kafka sur le rivage a tout l'air d'un roman d'initiation, comme on en connaît tant, et pourtant la couverture intrigue avec ses yeux de chat et ses poissons volants. Et dès les premières pages, c'est comme un immense tourbillon qui nous emporte dans un univers magique et envoutant...



C'est un livre qui révèle tout le pouvoir de l'imaginaire, jusqu'à en être troublant. Comme si les mots nous invitaient à mettre à l'envers nos pensées, à tordre nos premières intuitions et à laisser venir l'autre, le rien, le tout, les pierres, la pluie, et tout ce qui va avec.

"Tout est question d'imagination. La responsabilité commence avec le pouvoir de l'imagination. Yeats disait: in dreams begin responsibilities. C'est parfaitement exact. A l'inverse, la responsabilité ne peut naître en l'absence d'imagination."

Avec ce jeune homme de quinze ans que l'on accompagne dans sa fugue, entrecoupée de scènes mystérieuses dont on ne comprend pas toute la raison d'être au début du roman, Murakami nous conduit à perdre nos repères, à nous mettre en abîme. On a la sensation d'une expérience singulière, page après page. Une sensation de destinée, une sensation que tout arrive à temps, que tout prend sens un jour, dans le réel ou dans nos rêves. Qu'il faut pour cela accepter le vide en nous, accepter de ne vivre que d'hypothèses, attendre.



Murakami nous surprend, toujours et encore. J'avais déjà craqué pour les nouvelles curieuses de l'Elephant s'évapore, mais là avec ce roman c'est juste tellement incroyable cette architecture imbriquée formidable, ces jeux d'échos, bref, quel talent! Une intrigue extrêmenent bien menée, qui nous tient d'un bout à l'autre, qui nous fait tout avaler, tout croire, tout chercher, tout fuir.



Murakami nous donne des leçons d'histoire, sur Eichmann, sur la guerre au Japon, des leçons de musique, sur Schumann, sur Beethoven, sur Schubert, des leçons de philosophie, sur Hegel et d'autres. On le sent s'amuser en coulisse! Par l'émotion, par la métaphore, par le déplacement, il nous invite à nous découvrir nous-même.



Oui, c'est cru parfois mais ce n'est pas choquant, car c'est vivant et vivifiant, car c'est enfant, même quand c'est un vieillard qui nous parle.



J'aime les personnages du roman, leur mystère, et leur candeur. Je crois que je ne suis pas prête d'oublier Nakata, qui a le pouvoir magique de parler aux chats et de faire pleuvoir à peu près tout ce qu'il veut (des sardines, des sansues, etc!)



J'aime que les personnages de Murakami soient ouverts à toutes les influences, les sons qu'ils entendent, les personnes réelles ou fictives qu'ils croisent. J'ai ri de les voir rencontrer des figures du capitalisme inventées par des publicitaires et qui font sans cesse iruption dans l'intrigue pour en détourner le cours, pour l'artifice, comme dans la vie peut-être?



En refermant le livre, je me suis surprise à voir le monde autrement, à m'intriguer de la taille des ombres des passants que je croisais dans la rue, à sourire à un oiseau qui passe. Je n'ai pas envie de vous en dire plus sur l'histoire, juste envie de vous dire: envolez-vous, vous y trouverez sûrement tout autre chose que ce que j'y ai puisé, et ce sera là la beauté du chef d'oeuvre!



Quelques passages qui m'ont marquée pour finir:



"Les oeuvres qui possèdent une sorte d'imperfection sont celles qui parlent le plus à nos coeurs, précisemment parce qu'elles sont imparfaites" page 149



"L'ironie donne de la profondeur aux humains, et de la grandeur. Elle leur offre le salut, un salut d'un niveau supérieur et une sorte d'esperance universelle. C'est pour cela que tant de gens lisent les tragédies grecques aujourd'hui encore." page 272



et le meilleur pour la fin: "Le temps pèse sur toi comme un vieux rêve au sens multiple. Tu continues à avancer pour traverser ce temps. Mais tu auras beau aller jusqu'au bord du monde, tu ne lui échapperas pas. Pourtant, même ainsi, il te faudra aller jusqu'au bord du monde. Parce qu'il est parfois impossible de faire autrement."





Un très grand merci à Nassira de la librairie La plume vagabonde, 17 rue de la fontaine au roi, à Paris... J'ai passé 638 pages inoubliables.

12 juin 2010

Fashionista!



Il y a peu j'ai essayé ma première Burqa, si si, je vous jure, une vraie de vraie toute bleue venue tout droit de Kaboul. Bilan: je ne sais pas comment elles font pour vivre là-dessous. Qu'est ce qu'il fait chaud! Et en plus on ne voit vraiment rien. On se sent comme coupée du monde. Je ne suis pas là pour porter de jugements cela dit, mais pour vous parler d'une B.D. qui m'a bien amusée sur le sujet: Burqa Fashionista de Peter de Wit.




On y retrouve page après page, dans un format allongé sympa, des petites conversations entre femmes sous Burqa. Et ça ne manque pas d'humour, de grinçant, et de décapant.


Tous les sujets y passent: la vieillesse, le look, le sport, et s'enchaînent avec simplicité. On a l'impression que même ces femmes en burqa en riraient, tant je pense cette B.D. adopte un ton qui n'est pas irrespectueux mais juste drôle!


Je ne veux pas vous raconter les scénettes pour ne pas vous gâcher la surprise, mais je vous conseille d'y jeter un oeil! Vous ne serez pas déçus du voyage! Avis aux filles, Burqa in the city vous fera décrocher de beaux sourires, humour noir garanti!

26 mai 2010

Mémoire et parfum




Quelle délicatesse dans les mots de Yoko Ogawa. J'avais beaucoup aimé La formule préférée du professeur, et c'est donc avec la douceur d'une complicité retrouvée que j'ai lu Parfum de glace.


Dans ce roman, on suit une jeune femme, Ryoko, dont le compagnon, nez de talent, Hiroyuki, vient de se suicider dans son laboratoire, au milieu de senteurs entubées. Elle court après sa mémoire, et les traces de la vie passé de son amoureux défunt. Elle comprend alors qu'elle ne connaissait rien de lui. On est emporté très vite dans son enquête minutieuse pour tenter de percer le mystère de la mort. C'est une quête intérieure, dans la mémoire des instants partagés évaporés, et c'est une quête extérieure, dans le voyage et la rencontre. En effet, l'héroïne tente de retourner partout où son compagnon a vécu, dans sa chambre d'enfant, dans la serre de son père, à Prague où il a fait un voyage. Elle essaie de parler avec ceux qui l'ont connu. Elle tente de recomposer le puzzle d'une vie, guidée par l'unique parfum qu'il lui a donné en cadeau avant de ne se tuer... et guider par les quelques descriptions d'odeurs qu'il a retranscrites sur une vieille disquette à son bureau. Que peut-on chercher dans le souvenir d'un être aimé? C'est le coeur de ce roman fascinant et envoutant.


C'est le mystère de l'altérité que Yoko Ogawa explore avec talent. L'autre n'est jamais saisissable, il est toujours au-delà. On peut l'observer attentivement, on peut mémoriser son parfum, sa voix, il est toujours ailleurs. On voudrait le saisir, on voudrait le connaître, souvent on croit le faire, mais ce n'est que fiction. Une fois disparu, il reste des images, des odeurs, des sons, si fragiles en nous, qu'il nous semble parfois les perdre à tout jamais. On tente de se les remémorer, on revit en nous encore et encore les instants partagés. On essaie de les percer à jour. Mais en vain. Nous n'aurons que notre version de la vie. Qu'avons-nous été pour l'autre? Quelle place tenons-nous dans sa mémoire? Nous sommes condamnés au silence quand ces questions voient le jour.


Dans Parfum de glace, fiction et réalité semblent se croiser. Les personnages réinventent tour à tour le passé de Hiroyuki le défunt. Certaines scènes semblent même tout droit sorties de l'imaginaire de Ryoko, tant elle cherche à retrouver partout son amour perdu. Le texte bascule alors dans le conte, et brille de mille feux. Nous suivons le gardien des paon, et de leurs coeurs porteurs de mémoire.


Quelle justesse dans le choix des mots pour décrire la douleur de la perte de l'être aimé! Quelle force dans la présentation du décalage des vécus entre deux âmes, qui pourtant se croyait soeur!


"Assise au bord du lit, à la lumière de la petite lampe de la table de nuit, j'avais déplié la feuille de notes. Je les avais lues et relues tant de fois que je les savais par coeur.

'Gouttes d'eau qui tombent d'une fissure entre les rochers. Air froid et humide d'une grotte. Réserve de livre hermétiquement fermée. Poussière dans la lumière. Frasil sur un lac à l'aube. Mèche de cheveux d'un défunt formant une légère boucle. Vieux velours passé qui a gardé sa douceur'

Les pierres du pavement du pont etéient toutes noircies et usées. Certainement que Hiroyuki en avait foulé quelques unes. Depuis mon arrivée à Prague, je n'avais pas pu échapper à cette pensée. Il avait peut-être touché cette poignée de porte. Tout en buvant un café à cette terrasse, il avait peut-être regardé les pigeons sur la place. (...) Moi qui l'avait perdu, je traversais le pont qu'à seize ans il avait emprunté alors que je ne le connaissais pas. Comment ce pont pouvait-il être toujours là, inchangé, alors que lui n'était plus de ce monde?"


Il y a beaucoup de point commun entre La formule préférée du professeur et Parfum de glace. Tout d'abord, l'amour de la beauté des mathématiques. Ensuite, les enjeux liés à la perte de mémoire. Yoko Ogawa semble creuser par son écriture les sujets qui lui sont chers, comme pour nous aider nous aussi à en percer les secrets.


Beaucoup de pages restent graver dans l'esprit, quand on referme le livre, notamment les échanges entre Ryoko et le gardien des paons:


"-Dans cette grotte... commença le gardien après avoir attendu que disparaissent les derniers accents de ma voix se répercutant contre le rocher, il n'est jamais trop tard.

C'était rare de l'entendre dire des choses aussi définitives.

Commes si ces paroles étaient un signe, les paons se rassemblèrent sous les étagères où les pots étaient alignés et après avoir becqueté l'eau qui se trouvait là dans un creux, s'en allèrent serrer les uns contre les autres, disparaissant dans les ténèbres. (...)

- Tout est décidé à l'avance. Quoi que vous fassiez ou que vous ne fassiez pas, vous ne pouvez renverser la décision.

-La décision?

-Oui.

-Qu'est ce que je peux faire alors?

-Uniquement vous souvenir."


Ce roman présente plusieurs façons de vivre la finitude, le deuil, et la fin d'un amour. Il y a Ryoko, qui cherche à reconstituer pas à pas la vie de l'être absent. Il y a sa mère qui a arrêté de vivre tant elle ne peut supporter le départ de son fils ainé. Elle ne fait que dépoussiérer régulièrement les traces de sa présence passée pour les conserver intact. Il y a le frère du défunt qui sait que rien ne changera la situation de toutes les façons. Il y a l'ex copine du défunt qui a tout fait pour tourner la page au plus vite quand elle l'a perdu de vue. Mais à travers tous les personnages, l'auteur nous offre des points de vue comme un questionnement, mais pas de solution, si ce n'est l'écriture comme quête du mystère de ce qui s'évanouit.


Yogo Ogawa construit pour nous un univers où les mots tombent juste, où les agencements du récit en allé-retour entre passé et présent forment des figures inattendues, où les fantômes du réel et les objets de notre imagination semblent vouloir nous sussurer tout ce qu'on ne voit pas de l'existence. Elle nous invite presque à une expérience philosophique où seul l'absent a du relief, tandis que le présent n'est qu'un collage plat.


Un roman à conseiller à ceux qui aiment se poser la question du mystère de nos vies poétiquement.

Un roman a recommandé à ceux qui s'interrogent sur la perte et sur la mémoire.

Un roman qui se lit comme un polar tout en soulevant de nombreuses questions presque métaphysiques sans avoir l'air d'y toucher.

14 mai 2010

Petits coins de paradis...




A Bruxelles, j'ai Filigranes, pour les dimanches de grisaille, pour les thé-tarte entre copines... ma petite librairie ouverte tous les jours de l'année. Avec son piano à tout vent. Et toujours de bons conseils de libraires, des rayons et des lignes pour se perdre ou se trouver.


A Vienne, j'ai découvert Phil. C'était un dimanche. Et il y faisait si bon. Des petits carnets, des livres d'artistes, des livres de photo et des guides touristiques qui font qu'on s'évade l'espace d'un petit rien. Des livres pour sauver toutes les âmes perdues. Avec un petit café ou juste un petit sourire. Sur de bons conseils, je suis repartie avec Das Leben kleben sous le bras, de Marina Lewycka (titre original: We are all made of glue).


Renseignement pris, c'est une auteur d'origine ukrainienne mais qui vit en Angleterre. Dans ce roman, on croise Georgie qui jette dans une benne à ordure la collection de Deutsch Grammophon de son compagnon avec qui plus rien ne va et Naomie, une vieille dame, qui les prend, un peu pour ne pas jeter, un peu parce qu'elle adore la musique. Et sous la pluie anglaise, ces deux-là vont s'apprivoiser pour se tenir chaud l'espace d'un hiver. C'est un peu à la Anna Gavalda, mais en moins retravaillé, en moins fini. D'ailleurs, on a l'impression que l'auteur joue avec ce côté livre non abouti, car dans le roman Georgie elle-même passe son temps à retravailler un manuscrit refusé, qui apparait en italique tout barré et raturé de ci de là.


Pas un grand roman, mais un petit chat sur les genoux qui tient douce compagnie en gardant son indépendance mystérieuse.
Une tentative de réfléchir à tout ce qui colle ou qui décolle, dans nos petites vies, dans notre Histoire. Des pages surprenantes sur le conflit Israelo-Palestinien. Des paragraphes déroutants sur les polymères et autres molécules composants les colles industrielles. Des envolées contre les services sociaux expéditifs des hopitaux britaniques, mais aussi sur les agents immobiliers aux dents longues. Au final, il y a plein de petites choses dans ce livre, qui font qu'on s'attache, même si parfois il n'y a plus rien à recoller.






24 avril 2010

Empreinte(s)




Quand la petite et la grande histoire joue à "je te tiens tu me tiens par la barbichette", ça donne l'Empreinte de l'ange de Nancy Huston...


Quand l'Allemagne, la France et l'Algérie se regardent en chien de faïence, ça donne l'Empreinte de l'ange de Nancy Huston...


Quand un flûtiste de renom et un luthier de génie s'éprennent de Saffie, l'Allemande mystérieuse aux yeux verts, ça donne l'Empreinte de l'ange de Nancy Huston...


... et pour nous lecteurs, ça donne des frissons, ça émeut, ça interpèle, ça sonne et ça marque, comme cette page 291:


"Faibles nous sommes, et craintifs, et surtout las, las.

Aveugles et muets nous sommes, les yeux bandés par nos propres mains, la gorge obstruée par nos cris.

Nous ne savons guérir notre douleur, seulement la transmettre, la donner en héritage. Tiens chéri.

Nous avançons grotesquement, à cloche cloche, écartelés: un pied dans nos petites histoires et l'autre dans l'histoire du siècle.

C'est tellement dur d'être lucide..."


Un roman à conseiller à tous ceux qui s'interrogent sur l'innocence, sur l'engagement, sur les cicatrices, et sur la mémoire.


Un roman à recommander à tous ceux qui aiment la musique, le souffle, les instruments et leur singularité.


Un roman à offrir à des germanistes, je pense.


18 avril 2010

Exceptionnel




Sur les conseils de Jean-Pierre et Alexandra (que je remercie très vivement), je me suis plongée dans A marche forcée, à pied du cercle polaire à l'Himalaya, 1941-1942 de Slavomir Rawicz. Et ce livre m'a marquée pour très longtemps je pense. J'ai envie de le conseiller à tout le monde!


Il s'agit du récit de la capture de Slavomir Rawicz, en Pologne, soupçonné par les Russes d'être espion, car il parle leur langue parfaitement, du fait de sa mère qui lui a transmis cet idiome. En fait, il n'est ni agent-double, ni soldat malveillant, mais il va connaître la torture, les interrogatoires sans fin, absurdes, les pires cellules, les jugements fantoches, avant de n'atterrir en Sibérie, dans un camp de travail forcé. Et là, au lieu de se laisser mourir, il va prendre en main son destin et décider de s'évader. Ayant trouvé des compagnons de cavale, il va fuir le camp et traverser des territoires dangereux pour gagner l'Inde. C'est alors un récit de vie inouï, où l'on suit pas à pas ce groupe d'hommes perdu dans l'imensité du monde, fuyant la barbarie des humains et s'affrontant à une nature pleine de surprises.


On a beau savoir qu'il a survécu, puisqu'il a écrit, on tremble avec Slavomir Rawicz page à page. On est admiratif de sa force d'âme, de son caractère, mais aussi de la solidarité qui se développe entre les évadés, et de l'accueil chaleureux qu'ils reçoivent dans leur long périple sous des climats hostiles. Ces scènes de rencontres sont d'ailleurs très émouvantes et belles, qu'elles se situent dans les cahutes en Mongolie ou dans les grottes des montagnes de l'Himalaya.


Tout d'abord, ce livre m'a plu car il exprime très bien la difficulté de la situation des Polonais envahis par les Allemands nazis et par les Russes staliniens en même temps. Ensuite, j'ai été impressionnée par les conditions de détention, les non-sens violents, et l'inhumanité des traitements. On n'image que très partiellement je trouve, ces hommes barbus, assaillis par les poux, et par la propagnande, contraints de signer des documents faux sous les coups répétés. Ce livre permet de mieux se rendre compte de l'ampleur de l'atrocité.


Je suis fascinée par le récit de l'évasion, par la précision des souvenirs de l'absurde mais aussi des immenses petites joies d'une bouchée de pain quand on n'a pas mangé depuis des jours. Des gouttes d'eau sur une langue sèche. Un oasis au loin.


Ce qui est fou, c'est que tous ces hommes du camp sont arrivés là prisonniers, comme ça, pour rien. Comme dans beaucoup de guerres ou de régimes totalitaires. L'un n'a pas réussi à réparer un tracteur qui de toutes les façons était foutu, alors hop accusé de sabotage. L'autre construisait le métro à Moscou, on l'a augmenté et hop on l'a arrêté un soir et saisi ses biens alors qu'on le déportait... Ainsi il a compris pourquoi on s'était débarrassé de lui du jour au lendemain, sans signes avant coureurs, et surtout pourquoi on l'avait augmenté!


Il y a aussi ces pages très émouvantes, comme les jours de Noël dans des conditions sordides.


Ce témoignage est à lire absolument. Ne passez pas à côté de cette humilité, de ce dépassement de soi.


Quelle créativité pour survivre, dans le froid sibérien, dans la sécheresse toride du désert de Gobi, dans les montagnes raides d'Himalaya. Quelle intensité de vie dans les moments les plus sourds et atroces. Quels rires quand l'humour reste le dernier espoir. D'ailleurs le personnage de Zaro, qui reste clown en toutes épreuves, nous donne à tous une grande leçon. Et c'est peu de le dire.


Ce livre est un concentré de liberté éblouissant, un texte extrêmement intense, où des hommes de 25 à 35 ans nous apprennent plus sur la vie en quelques silences, que de nombreux longs discours. C'est un récit de "voyage" hors pair, qui souligne ce que l'humain a de plus beau. Je crois qu'aucun homme ne peut rester insensible à ce témoignage poignant dans sa simplicité et son authenticité.


On referme ce livre en pensant très fort à ces hommes qu'on a accompagnés l'espace d'un instant. On se demande comment ils ont vécu après ces milliers de kilomètres de marche, après l'épreuve hors du commun, après l'inconcevable mais vrai. On aimerait avoir eu la chance de les connaître, car ce sont des êtres simples et grands, assurément.
Merci à Nicolas Bouvier d'avoir permis cette réédition.






08 avril 2010

Petits coeurs solitaires...




Et voilà un livre tout droit fait pour la rubrique "Au féminin" de ce blog, et qui se lit tout seul...


Il s'agit du Mec de la tombe d'à côté de Katarina Mazetti, une auteure suédoise qui a connu un succès international avec ce roman.


Il raconte une rencontre amoureuse à deux voix: celle de Benny, paysan au milieu de ses vaches et de sa ferme et celle de Désirée, bibliothécaire et citadine, qui vit dans un appartement épuré et chic. Alors oui, on est un peu dans le stéréotype du choc culturel, mais ce qui sauve le roman sont toutes les loufoqueries que l'auteur sème au cours du récit, à l'image du titre d'ailleurs. Ainsi on a par exemple une collègue bibliothécaire qui fait des dossiers d'archives sur les employés dignes des pires services secrets... On a des petits Haikus en tête de chapitre tout aussi à l'ouest, comme par exemple:


"Jour après jour

Face à face

Avec des miroirs fêlés

Et des PV triomphants sur le pare-brise"


Il en ressort, une certaine tendresse pour les personnages, un brin de cynisme quand même aussi... Un petit roman de filles qui ne mange pas de pain et dégage une certaine fraicheure en ce début de printemps.


Et puis j'aime bien la couverture du livre, ce qui ne gâte rien.

En bref, un roman pour les coeurs solitaires qui veulent s'offrir quelques minutes d'espoir et d'ironie suedoise...

Merci à Hélène pour le conseil... qui date maintenant... car j'ai passé un bon moment!

10 mars 2010

Chapeau bas et balai-brosse haut!








On lit Sur le quai de Ouistreham, et on a envie de faire un texte mieux que bien pour conseiller sa lecture. Car elle s'en est donné du mal, Florence Aubenas, pour percer les silences et les tabous du monde de la précarité; Car elle sait frotter sa plume aux mots durs, aux visages épuisés et au brouillard du nord; Car elle nous touche et nous parle de juste à côté, et de si loin pourtant.




Florence Aubenas, célèbre journaliste, et ancienne otage en Irak, a donc tout quitté pour six mois. Elle a dit à son entourage professionnel qu'elle partait en congé sabbatique au Maroc, alors qu'elle se faisait passer pour une femme seule, sans diplôme, à la recherche d'un emploi dans la banlieue de Caen. De cette expérience elle a fait un récit du quotidien des exclus: les heures à Pôle Emploi, les entretiens d'embauche, la dureté des tâches de ménage à accomplir pour survivre, la fatigue, le cumul de petits boulots mal payés et souvent pour très peu de temps, et le pire: le ferry dont les toilettes à nettoyer sont présentés comme le summum de la brutalité contemporaine.




J'ai trouvé cette plongée dans le monde des chômeurs en quête d'heures de ménage bienvenue dans un monde où peu de gens savent vraiment ce qui se cache derrière les chiffres et les rapports administratifs. Je ressors de ma lecture pleine de questions: Est ce que Florence Aubenas a coupé avec ses proches pour connaitre l'isolement aussi? A-t-elle été bien accueillie quand elle a fait tomber le masque, en Robin des bois des temps moderne? Ou les gens se sont-il sentis trahis? Que retient-elle de ces six mois aujourd'hui? Pense-t-elle que cette forme de journalisme va avoir un impact social ou politique?




Il paraît que l'ouvrage devient difficile à trouver, rupture de stock en librairie... Serait-ce un signe prometteur d'une prise de conscience? Affaire à suivre donc...




J'entends aussi les critiques: "c'est facile de jouer au précaire quand on sait qu'on retrouve sa place au chaud après... " Oui, mais non! Je vous promets qu'à lire les douleurs physiques, le manque de soleil, et la détresse psychologique qu'a pu ressentir Florence Aubenas, on admire juste son courage.




Je conseille ce livre à ceux qui veulent savoir comment on vit avec 700 euros par mois, mais surtout comment on vit quand on devient transparent aux autres, et traîté comme une mois que rien...




Je recommande ce livre à ceux qui côtoient des milieux exclus du monde et de la société, pour leur donner envie de témoigner à leur tour ...










01 mars 2010

Pour les copines!






















J'ai découvert une B.D. qu'on a tout de suite envie d'offrir à ses copines: Aya de Yopougon écrite par Marguerite Abouet et illustrée par Clément Oubrerie. (Merci Alexandra pour ce judicieux conseil!)










Aya, l'héroîne qui prête son nom à la Bande Dessinée, a 19 ans et habite dans un quartier d'Abidjan, en Côte d'Ivoire. Elle y vit avec sa famille, ses amies, ses voisins. Elle est studieuse, elle qui rêve de devenir médecin, tandis que ses copines sont plutôt délurées! Elles courent les hommes le soir, ce qui conduit Aya d'aventures en aventures: de comment s'occuper d'un bébé, à comment essayer de ne pas se faire imposer un mari! Aya parle de ses copines comme faisant le choix de la "série C ": Coiffure, Couture, Chasse au mari! Tout un programme et un régal pour nous lecteurs!








Le ton est couleur local, avec à la fin tout un petit glossaire fort sympathique pour s'imprégner du jargon du coin: un "genito" est ainsi un garçon qui a de l'argent à dépenser... avec qui on va "gazer" ( = s'éclater en boîte le soir). Quant au "galérien", c'est un garçon qui n'a pas trop de choses à faire... et j'en passe et des meilleurs.








Les couleurs sont vives comme les boubous. Les planches nous plongent dans l'Afrique, ses marchés, ses petites cours intérieures où l'on cuisine, étend le linge, papote...








J'aime tout particulièrement les notes de fin, où les personnages nous apprennent leurs plats favoris, ou encore comment porter un bébé sur le dos...








Un régal de cocasserie à mettre entre toutes les mains avides de connaitre un peu mieux le quotidien des filles Africaines de là-bas! On sent que l'auteur s'inspire de son vécu avec beaucoup de sincérité. On assiste à des moments amusants comme l'arrivée de la télévision, avec ses publicités pour la bière que tout le monde regarde ensemble le soir... ou comme la préparation à l'élection de Miss Yopougon!








Entre petites et grandes embrouiles, querelles d'époux et surveillance des enfants qui font le mur pour sortir le soir, vous trouverez de quoi vous distraire dans une contrée ensoleillée et animée, en attendant le printemps...








Pour ceux qui aiment cet univers, je conseille aussi Mma Ramotswe détective d'Alexander McCall Smith. Vous ne serez pas déçus du voyage!










23 février 2010

Un grand maître!




Je viens de lire Alfred Hitchcock présente: Les histoires à faire peur, dont le titre anglais est magnifique: Stories my mother never told me.


Quelle jubilation noire et grinçante! Quelles histoires côcasses ou fantastiques!!! Un régal!


Mes préférées, assûrement:


- "Un simple rêveur" ou comment votre vie peut tourner au cauchemard lorsque vos rêves nocturnes deviennent réalité...


- "En plein jus" ou comment parier peut s'avérer dangereux pour la santé...


-"L'homme qui était partout" ou comment organiser le meurtre parfait en planifiant une ubiquité simulée... (très technique dans les détails de la réalisation!!!)


-"Echanges de bons procédés" ou de l'importance d'avoir des voisins sympas quand on veut éliminer sa femme...


Tout ça pour vous mettre en appétit!


Les auteurs sont tous différents. J'ai un faible pour le style brillant de celle écrite par F. Scott Fitzgerald... quant à celle écrite par George Hitchcock, elle est tout simplement sordide!


On ne peut qu'être tenté de voir ou revoir les courts métrages "Hitchcock présente..." après avoir refermé le livre (c'est par exemple ici pour ceux qui sont intéressés)


Je ne résiste pas à vous livrer l'introduction d'Hitchcock au recueil, du moins sa fin:


"En ce qui concerne ce livre, je n'aurai pas la présomption de prévoir quelle réaction il suscitera de votre part, ami lecteur. Pas plus que, en dépit de mon immense désir, je n'essairai d'attirer votre attention sur une histoire en particulier. Ces histoires doivent être abordées sans avertissement, sans idée préconçue. C'est de cette façon seulement qu'elles produiront tout leur effet sur les systèmes nerveux sensibles.

La seule chose que je puisse vous promettre, c'est que vous allez éprouver toute la gamme des réactions émotionnelles (excepté bien sûr les sentiments tendres, avec lesquels je n'ai rien à faire). J'ai été jusqu'à inclure dans ce recueil un ou deux contes, à seule fin de vous distraire. Mais ne prenez pas cela pour un signe de faiblesse. Même dans ces contes, il y a des frissons sous-jacents qui donneront une curieuse saveur de dégustation. Et il y a d'autres histoires que je considère comme quasi diabolique.

En outre...

Mais quelqu'un m'a dit que les meilleures introductions sont les plus courtes. Donc, en avant!"


Je pense que ce livre est encore plus délicieux en anglais...


Avis aux amateurs!

05 février 2010

Délicieusement british!




Que faire quand à la veille de vous marier, on lit dans votre main que vous allez commettre un meurtre? Comment vivre avec un fantôme dépressif? Autant de questions amusantes qui donnent lieu à de courtes nouvelles rédigées avec talent par Oscar Wilde dans un recueil à lire absoluement: Le crime de Lord Arthur Savile.


Le style d'Oscar Wilde est jubilatoire. Il est piquant, ironique, décalé. J'avais beaucoup aimé Le portrait de Dorian Gray, et De l'importance d'être constant. Je suis contente d'avoir lu ses courtes histoires dans mes allé-retour de métro quotidien!


Un petit extrait pour vous mettre en appétit:


"Le lendemain, le fantôme était très faible et très las. Il commençait à ressentir l'effet de la terrible agitation des quatre dernières semaines. Ses nerfs étaient brisés. Il tressaillait au moindre bruit. Il garda la chambre pendant cinq jours et décida enfin de renoncer à la tâche de sang sur le parquet de la bibliothèque."
La suite dans la nouvelle: Le fantôme de Canterville, la deuxième du recueil!

Je conseille ce livre aux amateurs de contes!

Je recommande ces petits textes à ceux qui ont besoin de pointes d'humour au milieu de l'hiver (tongue-in-cheek garantie)

Ca se lit vite et ça balaye toutes les idées noires!


27 janvier 2010

688 pages après...




Suivant ma bonne résolution de revisiter les classiques, je me suis lancée dans L'idiot de Dostoievsky. Et mes impressions sont assez mélangées.


Bien sûr, on connait l'histoire de base: un "idiot" qui revient d'une cure en Suisse pour cause d'épilepsie regagne la société russe de St Petersbourg, où il se noue d'amitié avec des personnages complexes, comme leurs noms russes (Gabriel Ardalionytch, Yvan Fedorovitch Yepantchine, et j'en passe et des meilleurs)! Comme il est un peu naïf, on le prend soit pour un dangereux imposteur qui cache son jeu sous ses airs niais, soit comme un imbécile dont on se moque ardemment! Mais très vite, le procédé littéraire est utilisé pour que les personnages se prennent en pleine figure et avec toute sincérité leurs travers les plus odieux.


Derrière cette histoire s'en cache une autre, qui fait balancer notre héro idiot entre deux femmes: Nastasie Philipovna et Aglae Yepantchine. La première est une femme présentée comme une courtisane de peu de vertu, et qui balance entre tous les hommes de cette société russe que forment les personnages du livre. La seconde est la dernière des trois filles d'un général qui a des idéaux nobles et romantiques de vie, et espère faire un beau mariage loin de tous les noms de prétendants que lui soufflent ses parents.


Et il y a derrière tout ça une trame sans queue ni tête, des tas de digressions, d'excès, de scènes d'ivresse, de scènes de suicide ou de meurtre ratés dont tout le monde rit, de scènes de jeux dangereux en société où chacun révèle ses pires affaires et ses plus gros mensonges, etc.


C'est étrange comme ce grand style, cette finesse psychologique, ce théâtre détonnant, peut se retrouver comme noyé dans une masse de textes qui parle tout autant de nihilisme, du christ (d'ailleurs certain voit en le personnage de l'idiot une vision de Jésus), du destin, etc.


Et en plus, Dostoievsky nous confie sa vision de la littérature, de ses personnages, de son écriture, comme par exemple au début de la partie IV:


"Il y a des gens qu'il est malaisé de définir d'un seul trait, qui les aurait peints sous leur aspect particulier et caractéristique. Ce sont eux qu'on a l'habitude d'appeler 'des gens ordinaires', 'la majorité' et qui constituent effectivement l'immense majorité de la société. Les auteurs des romans et des nouvelles s'efforcent la plupart du temps de peindre des 'types'. Ces personnages ne se rencontrent presque jamais à l'état pure, bien qu'ils soient plus réels que la réalité même."



Il y a dans ce roman le bouillonnement de l'âme russe, qu'on le retrouve aussi chez Boulgakov mais d'une toute autre façon bien sûr, encore plus surréaliste qu'ici.


Les dialogues de L'Idiot sont fous, emprunts de sarcasme, de beuverie, d'espièglerie, et de force.


"-L'étranger me tuait. Je me rappelle être sorti de cette obscurité un soir à Bâle à la frontière suisse, et c'est un cri d'âne au marché de la ville qui ma réveillé. L'âne me fit une impression extrême et je ne sais trop pourquoi, un plaisir immense; et alors tout est devenu clair dans ma tête.

-Un âne? C'est bizarre! fit la générale. Après tout, il n'y a rien de bizarre à cela, il se peut que l'un de nous s'éprenne tout d'un coup d'un âne, ajouta-t-elle."


Que dire après tout ça? Que comme dans tous les chefs d'œuvre, on en ressort la tête pleine de sensations qu'il faut digérer lentement. Essayer de raconter L'idiot, ce serait comme essayer de raconter La recherche de Proust. Je crois que dans l'un comme dans l'autre chacun peut y trouver des choses très différentes.


J'ajouterai que ce n'est pas une lecture facile, avec une intrigue directrice qui porte le lecteur d'un bout à l'autre.


Je conseille donc ce livre aux amateurs de culture Russe qui sont prêts à s'immerger dans des centaines de pages tortueuses!


Je recommande ce roman à ceux qui veulent revoir leurs classiques et qui ont le temps et l'énergie de se lancer dans un pavé.


Je pense que ce livre est aussi pour ceux qui en ont marre des constructions habituelles de livres ou de films. Où l'on sent dès le début les choses qui vont se passer. Où l'on sait dès le début les lignes qui vont rester graver et celles qui vont s'effacer. En lisant l'Idiot, ils pourront lâcher prise, et se noyer dans un style qu'on ne trouve plus de nos jours.

16 janvier 2010

Tome 2: Attendre et espérer


Je viens de refermer le tome 2 (et dernier tome) du Comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas. Quel bonheur! C'est tout aussi palpitant, d'autant plus qu'on s'approche du dénouement. C'est tout aussi riche de rebondissements, de coups de théâtre, et de scènes à couper le souffle!

Alexandre Dumas rivalise d'ingéniosité dans le choix des titres de chapitre. Mon préféré est: "Le moyen de délivrer un jardinier des loirs qui mangent ses pêches", et ce, sans hésitation!

Il multiplie aussi les clins d'œil aux lecteurs pour notre plus grand plaisir:

"Un col de satin noir sortant des mains du fabricant, une barbe fraîche, des moustaches grises, l'œil assuré, un habit de major orné de trois plaques et de cinq croix en somme, une tenue irréprochable de vieux soldat, tel apparut le major, ce tendre père que nous connaissons."

Ce personnage bien sûr n'est ni père ni major comme il le prétend, et Dumas nous rappelle habilement qu'il nous a mis dans la confidence et que nous pouvons savourer ce moment où tous les personnages se font berner par le faux noble soldat, sauf nous bien sûr, et son héros.

Et en prime, le ton se complexifie. On sent l'amertume, le doute, et l'ironie pointés leur nez. Les lumières et les couleurs sont moins tranchés. Chaque personnage interroge ses choix, sa destiné, ses luttes. Les faits et les actes prennent des sens différents, moins nets, plus gris.

"Allons donc, homme régénéré; allons, riche extravagant; allons, dormeur éveillé; allons, visionnaire tout-puissant; allons, millionnaire invincible, reprends pour un instant cette funeste perspective de la vie misérable et affamée; repasse par les chemins où la fatalité t'a poussé, où le malheur t'a conduit, où le désespoir t'a reçu; (...) Cache ces diamants, souille cet or, efface ces rayons; riche, retrouve le pauvre; libre retrouve le prisonnier; ressuscité, retrouve le cadavre."

Ce qui reste cependant c'est la satire de la société de cour, où l'on est tour à tour porté aux nues ou à l'échafaud, et ce en fonction d'un rien. Tout n'est que "rentes", "titres" et "faux semblants". Pour le meilleur et pour le pire. La célébrité se crée comme elle s'efface. Les coups sont donnés, puis oubliés. Dumas nous offre une lecture du monde toujours d'actualité.

Si Dumas nous transmet une leçon, c'est peut-être celle-là:

"Voici tout le secret de ma conduite: Il n'y a ni bonheur ni malheur en ce monde, il y a la comparaison d'un état à un autre, voilà tout. Celui-là seul qui a éprouvé l'extrême infortune est apte à ressentir l'extrême félicité. Il faut avoir voulu mourir pour savoir combien il est bon de vivre.
Vivez donc et soyez heureux, enfants chéris de mon cœur, et n'oubliez jamais que, jusqu'au jour où Dieu daignera dévoiler l'avenir à l'homme, toute la sagesse humaine sera dans ces deux mots:
Attendre et espérer!"

Je vous recommande donc très vivement ce roman. Je me porte garante: vous ne serez pas déçu. Vous ne verrez point passer les heures. Et vous ressortirez fort de cette lecture délicieuse, avec l'envie d'autres mots et d'autres voyages...


Un grand merci à Jean-Pierre de m'avoir prêté ce roman, et à Nassira de me l'avoir recommandé si vivement.

10 janvier 2010

Tome 1 au coin du feu















Lors de mon réveillon, de joyeuses âmes m'ont conseillé de lire Le comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas... Et quel ne fut pas mon bonheur de passer le 1er de l'an devant le feu à lire le tome 1!








Etant donné que le roman a été publié sous la forme d'un feuilleton, on se régale de chapitre en chapitre, car le suspense est dense! C'est un peu la série télé d'un autre siècle, avec ses mystères, ses rebondissements...








Je trouve d'ailleurs que l'écriture est très théâtrale, presque même cinématographique. Les gros plans sur les visages des personnages qui découvrent des pans cachés avec surprise, ou essaient de cacher leur jeu, sont nombreux et amusants. On tremble, on frémit.








L'histoire: Edmond Dantès, un jeune homme sur le point de se marier et de devenir capitaine, est accusé de bonapartisme et enfermé en prison sans jugement pendant de longues années... Jusqu'au jour où il parvient à sortir de sa situation, et décide de se venger. Il met alors au point des stratagèmes très fins et méticuleux...








J'aime l'éloge de l'intelligence, du savoir, et du bon mot que fait Dumas:








"Au reste, mon véritable trésor, voyez-vous, mon ami, n'est pas celui qui m'attendait sous les sombres roches de Monte-Cristo, c'est votre présence, c'est notre cohabitation de cinq à six heures par jour, malgré nos geôliers. Ce sont ces rayons d'intelligence que vous avez versés dans mon cerveau, ces langues que vous avez implantées dans ma mémoire et qui y poussent avec toutes leurs ramifications philologiques. Ces sciences diverses que vous m'avez rendues si faciles par la profondeur de la connaissance que vous en avez et la netteté des principes où vous les avez réduites, voilà mon trésor, ami, voilà en quoi vous m'avez fait riche et heureux."








J'ai apprécié aussi toutes les interrogations sur la justice, et le sens du bien et du mal:








"Je me battrais en duel pour une misère, pour une insulte, pour un démenti, pour un soufflet, et cela avec d'autant plus d'insouciance que, grâce à l'adresse que j'ai acquise à tous les exercices du corps et à la lente habitude que j'ai prise du danger, je serais à peu près sûre de tuer mon homme. Mais pour une douleur lente, profonde, infinie, éternelle, je rendrais s'il était possible une douleur pareile à celle que l'on m'aurait faite: oeil pour oeil, dent pour dent, comme disent les Orientaux."








Ce qui est aussi remarquable c'est le sens de la manigance. On observe un homme tiré les ficelles. On sourit de voir des êtres mués par des fils invisibles, se faire avoir... après avoir menti, trahi, et infligé la souffrance.








"Les arbres, voyez-vous, monsieur Bertuccio, ne plaisent que parce qu'ils font de l'ombre, et l'ombre elle-même ne plait que parce qu'elle est pleine de rêverie et de visions."








Enfin, quelle langue! J'aime ce style désuet et maniéré, où changer un "Comte" en "Monsieur" peut être le summum de l'infamie!








Quelle douceur aussi de retrouver l'Italie (Lucques, Florence, Rome) et de voir combien les hommes du 19e siècle étaient des Européens bien avant l'heure.








Je conseille ce roman à ceux qui veulent replonger dans les méandres mélodramatiques des histoires d'enfants, où les méchants sont punis, et les bons triomphent! Dumas critique l'arrivisme, culte de l'argent et des apparences.








Je pense que ce roman plaira aux amateurs de romans historiques, avec les conflits entre Royalistes et Bonapartistes! On n'imagine pas à quel point ces partis pris pouvaient avoir de conséquences pour les concitoyens de l'époque. On ne réalise pas je trouve l'impact de l'instabilité politique du début du 19e sur les Français de l'époque. Toutes les corruptions par derrière, les arrestations arbitraires. Un jour vous êtes du bon côté, le lendemain du mauvais.








Bref, un roman qui peut vous donner une folle envie de revoir vos classiques en 2010!