"Quand Rose a rencontré mon père, mon gentil père, le directeur du cirque, quand Rose a rencontré son Monsieur Loyal, elle était déjà enceinte de moi.
Mais elle avait le ventre si creux - les os magnifiques de ses hanches créaient comme une bassine en leur milieu -, elle avait le ventre si creux que mon père ne me soupçonna pas."
L'histoire de Rose commence ainsi. ou presque...
Dans Déloger l'animal, de Véronique Ovaldé, nous suivons une narratrice de 7 ans ou peut-être 12, on ne le sait pas. Une petite fille qui essaie de comprendre d'où elle vient, et ce que font les adultes aux comportements parfois si mystérieux.
On ne fait que lui mentir, et elle ne fait que réécrire son histoire, en décousant les uns après les autres les mensonges des adultes qui l'entourent.
Ce roman est proche du film Stella. Pour l'un comme pour l'autre, c'est avant tout le regard d'un enfant porté sur un milieu populaire, autour duquel il construit son imaginaire. Dans les deux cas, le langage cru fait partie de la vie et de l'univers reconstruit et réinterpreté sans cesse.
Mais avant tout, Déloger l'animal est l'histoire de la disparition d'une mère, dont Rose attend désespérement le retour, sur le toit de l'immeuble où elle habite avec Monsieur Loyal:
"J'apercevais l'horizon, un horizon de toits terrasse, un bric-à-brac d'antennes de télé, de paraboles, de réservoirs d'eau, de jardins clandestins avec bambous, barricades, bassines pour récupération de pluies d'acide, chaises, caisses repose-pied, frigo pour bière, générateur turbinant nuit et jour, il y avait aussi les chats errants, les mouettes, les sirènes et les essoufflements du port, le bruit des rues qui montait jusqu'à nous par spasmes paresseux. Je me disais toujours, ils pourraient bien tous mourir en bas, ils pourraient bien tous attraper la peste, je n'en saurais rien avec mes lapins.
Les lapins étaient tapis à l'ombre de la cheminée. Ils bénéficiaient de petits ventilateurs pour leur assurer un minimum d'air, pour qu'ils ne tournent pas de l'oeil et continuent de scruter l'horizon toit terrasse tout devant.
Nous noous entendions à merveille, les lapins et moi."
Ce roman est très touchant, car derrière ses tentatives pour comprendre le monde, on lit toute la souffrance de Rose, qui parfois enfile sa petite cape noir et fushia pour sauter de l'immeuble. Entre vie rêvée et vie réelle, Véronique Ovaldé interroge avec talents le monde des enfants, des adolescents et des adultes.
Un roman dont la force est dans le style unique, imagé, naïf, tendre.
Un roman qui a su créer tout un univers coloré, de cirques, de glaces et de bonbons, là où se tiennent les réalités pas toujours reluisantes des adultes.
Un roman qui mélange humains et animaux, les intervertit. Qui sont les lapins en cage, qui est le lion du cirque... Et quel est cet animal à déloger?
Je vous laisse découvrir!
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