31 mai 2013

Très beau personnage de femme...



Vienna est certainement un de ces personnages de femmes fortes et non conventionnelles qu'on n'oublie pas. Entière, sincère, résistante et résiliente, elle vit intensément et tout ce qui l'entoure en sort transformé.

New-Yorkaise cultivée, elle arrive jeune mariée dans une petit ville de Virginie, au milieu des années 30. Ne jouant pas le rôle que la société locale veut lui assigner, elle va devenir l'objet de ragot et de malveillance, tout en restant droite, au plus près d'elle-même, et ses désirs et de ses rêves, mais aussi de ses deux enfants, Willa et Elliott.

« Addison avait entendu dire qu'elle avait essayé de tuer son mari, qu'elle s'adressait au diable dans une langue inconnue, et que les soirs de pleine lune elle se baignait dehors dans une baignoire en fer-blanc et attirait sur sa peau la luminosité céleste. Elle était socialiste ou peut-être communiste, Addison ne se rappelait pas lequel des deux, mais la différence importait aussi peu qu'une morsure de charançon, parce que ce n'étaient pas des étiquettes qu'on voulait se voir coller sur le dos. En plus elle aimait les Nègres et elle fumait des cigarettes. Voilà ce qui arrive, disait-on, quand on lit trop de livres : ça ramollit le cerveau, et Addison imaginait alors la texture spongieuse des champignons des bois ou des crackers détrempés. On racontait qu'elle possédait des milliers de livres. » 

On pleurt, on rit, avec Vienna.

On voit grandir ses enfants tout à leur innocence, tout à leur roublardise.

Un roman plein de pensées, de philosophie, de sagesse et de folie, d'arbres aussi, de jument gourmande, de piano et de boutons colorés.

"Les Hauts", son domaine, devient le lieu des humanités, de la lumière au milieu des carcans sociaux et étroits de Winsville.

Un roman à lire absolument, pou retrouver un peu d'intensité face à la vacuité, pour tracer son sillon droit et profond, pour goûter la liberté, la tolérance, et la joie d'être singulier.

Une belle écriture à découvrir comme des photo de vacances toutes simples et pourtant émouvantes.

"Ce n'était pas seulement parce que Gray sentait l'esprit immanent des arbres l'émouvoir aussi facilement que les branches ployaient sous le vent, ou qu'il partageait l'amour de Vienna pour les canons de la littérature laissés d'ordinaire à la délectation des poissons d'argent, ni parce que son imagination était aussi agile et fébrile qu'une flamme dansante. Ce n'était même pas à cause de ses bizarreries amusantes qui rendaient son comportement excentrique. Non, elle tomba amoureuse de lui pour une raison beaucoup plus simple: avec lui elle se sentait comprise et acceptée."

Un roman où les principes d'éducation tentent avant tout de faire des enfants des êtres solides, indépendants et curieux.

"Il ne lui vint jamais à l'esprit qu'elle mentait à ses enfants à propos des pérégrinations ou les occupations de leur père. Les histoires qu'elle racontait contenaient une probité fondamentale en ce qu'elles représentaient correctement les grands traits de la situation - Willard était en vie, Willard était loin, et Willard n'était pas en mesure de rentrer. Pour le reste, Vienna ne voyait pas de mal à embellir ou à déformer les détails. Elle se contentait d'interprété la vérité et de la rendre poétique - lyrique, savoureuse et instructive."

Un roman pour toutes celles qui cherchent à mettre en déroute tout ce qui n'est pas la vie pour ne pas, quand viendrait la vieillesse découvrir qu'elles n'avaient pas vécu...

Un roman féministe, alors même que le sud américain où il se déploie a du mal à ne pas rester dans son modèle esclavagiste.

Un roman délicieusement farouche et cultivé.

« Souviens-toi, être différent ne fait pas de vous quelqu'un de spécial, mais être spécial fait de vous quelqu'un de différent. »

Aucun commentaire: