13 novembre 2009

Intense Irlande




J'étais à un mariage à Naples, quand une Irlandaise à la retraite m'a conseillé de lire Le testament caché de Sebastian Barry. Elle m'a dit que je découvrirais une histoire bouleversante, et que je pourrais comprendre l'Irlande un peu mieux... Et quel cadeau elle m'a fait! Ce roman est un trésor!

Il est si bien écrit (et traduit) qu'on a envie de le lire tout doucement, intensément. De ne pas en manquer une miette.

Ce sont deux journaux intimes qui se répondent et se font écho. Celui d'une vieille dame centenaire dans un asile psychiatrique, et celui de son médecin.

Roseanne, la patiente, a un regard si aiguisé sur la vie qu'on a envie de continuer à l'écouter nous raconter son histoire: son enfance, ses parents, son mariage, sa déchéance, son exclusion, ses douleurs. Ses paroles sont si justes et son témoignage est si touchant, qu'on est emporté comme par une grande vague.

Tant de passages m'ont marquée comme celui-ci: "Certaines choses changent à l'allure des hommes devant nos yeux, mais d'autres changent selon des arcs si grands que c'en est invisible. Le bébé voit une étoile clignoter à la fenêtre dans la nuit noire et tend la main pour l'attraper. De la même manière, mon père s'efforçait de saisir des choses qui étaient en réalité hors de sa portée et qui, quand leur lumière lui parvenait, étaient déjà anciennes et terminées."

Ou celui-là: " Je dois avouer que certains souvenirs dans ma tête me semblent étranges à moi aussi. Je n'aimerais pas avoir à le dire au Docteur Grene. La mémoire, il me faut le croire, si elle est délaissée devient une sorte de pièce remplie de boîtes ou un débarras dans une vielle maison, son contenu est tout mélangé, peut-être pas seulement par négligence mais aussi à force d'y chercher au petit bonheur, et par-dessus le marché, d'y jeter des choses qui n'ont rien à y faire."

C'est beau cette femme qui écrit en cachette, qui cherche à fouiller les méandres de sa vie passée, avec modestie et pudeur.

Quant au Docteur, il est lui aussi plongé dans des eaux troubles car il a pas mal de soucis avec sa femme, et parce que son asile doit fermer car trop vétuste. Il doit donc évaluer les patients pour savoir où les dispatcher. Or il n'arrive pas à cerner Roseanne, la centenaire si discrète et belle dans sa vieillesse. Elle lui est un mystère qu'il va essayer de percer.

Sebastian Barry nous livre un roman magistral, prenant, riche. Il nous permet de découvrir son pays l'Irlande avec talent. Son roman est une fresque sensible qui donne à sentir un monde d'hier, pris dans les tourmentes, les guerres, les religions, les pressions sociales.

Je conseille ce roman à tous ceux qui s'interrogent sur la mémoire, le passé et ce qu'on en fait.

Je recommande le livre à ceux qui aiment les yeux scintillants des mamies qu'on n'oublie pas.

Pour moi, certainement, une de mes plus belles lectures des derniers mois, avec D'autres vies que la mienne.

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