23 novembre 2008

Pissenlits et petits oignons




C'est un premier roman de Thomas Paris intitulé Pissenlits et petits oignons. C'est son titre qui m'a poussée à le sortir de l'étagère poussiéreuse où il reposait tranquillement.

C'est l'histoire d'un croque-mort, un peu à la Six Feet Under, mais aussi un peu à la Kafka. Il se veut un pro de l'art funéraire. Il est un perfectionniste des enterrements. Et pour se faire, il s'interroge sur la vie de chacun de ses clients avant de les porter en terre. Et il écrit même quelques pages sur leur vie. Ces quatre pages ne sont pas un récit exact de leur existence, mais bien une sorte d'hommage de poète qu'il leur rend au moment d'achever leur vie.

Mais voilà, alors qu'il en était à son quatre mille deux cent vingt-troisième cas, voici qu'un mort au destin très particulier se présente... Je ne vous en dis pas plus, mais vous encourage à aller découvrir ce roman complètement déjanté.
Ou comment la rigueur portée à son extrême rencontre l'absurde le plus total.

A recommander à tous ceux qui aiment l'humour noir dans les livres...

A tous ceux qui s'interrogent sur la vie des pompes funèbres, des veuves éplorées, et des curés... entre autres!

A tous ceux qui aiment se mettre la tête à l'envers, et découvrir une Bretagne où les gens portent des noms russes!

Complètement à l'ouest ce roman.... et ça fait du bien parfois!

(Ceux qui ont aimé Malavita aimeront sûrement Pissenlits et petits oignons!)

14 novembre 2008

Je t'aime, moi non plus



Voici un roman fait pour la rubrique AU FEMININ! Adeptes de cette rubrique, vous allez l'aimer, je le sens! Son titre: Natures presque mortes de B. Smadja. Et tout est dans le presque!

C'est l'histoire d'un groupe d'amis, la trentaine, au sein duquel les amours et les amitiés se font et se défont. Entre faiblesses humaines et forces de l'espoir, les personnages tentent de tracer leur chemin malgré les coups durs et les surprises de la vie. Entre petites et grandes trahisons, entre coups de foudre et coups de blues, on s'attache. Juliette, Anaïs, Michel, Etienne nous surprennent et nous ressemblent tour á tour.

Ce qui est formidable lors de la lecture, c'est la forme de ce roman. A chaque chapitre, on change de personnage pour un tableau humain hors pair. Le titre de chaque chapitre pourrait coller pour celui d'une nature morte, pourtant B. Smadja nous parle bien des vivants: En vrac, et pour vous mettre en appétit on trouve: ''Réveil jaune sur table de chevet'', ''bouquet de roses rouges sur console'', ''panama blanc sur mur ocre'',... Mais ce n'est pas tout, en plus du titre, il y a toujours un sous-titre qui pose le décor. Celui-ci indique le fond sonore et la saison. Mais non sans humour et décalage. Du genre fond sonore ''France info'', ou saison: ''le printemps, mais pourri''

Ce qui fait aussi la richesse de l'écriture sont les commentaires des personnages sur la réception des mots et des phrases qu'ils entendent mais aussi des silences:
''Sa respiration est rauque. Il devrait cesser de fumer. Pendant une minute au moins, je compte les inspirations, les expirations, puis sa voix les interrompt.
- J'ai reçu une lettre d'Ariane de Tokyo. Je suis venu te le dire, c'est pour ça que je suis venu pour te le dire de vive voix, pas au téléphone, pas des mots sur une lettre. Elle attend un enfant,elle ne reviendra plus, elle est heureuse.
Je compte les mots de la dernière phrase: onze mots.''
Ou encore:
''- Juliette? Sono io. Je souhaiterais t'inviter á dîner. J'ai quelque chose d'important á te dire. Chez Marina á neuf heures et demi ce soir. Je t'embrasse.
Elle fait défiler le message plusieurs fois. Fabrizio commence tous ses messages téléphoniques de la même manière, par une interrogation sur son prénom comme s'il pouvait y avoir le moindre doute sur l'identité de Juliette, et il enchaîne par une affirmation que c'est bien lui qui parle, qui ne manque jamais de la faire sourire. La deuxième phrase l'enchante, elle est bien dans le style de Fabrizio, féru de courtoisie, du moins dans le langage. La troisième phrase, solennelle, la laisse perplexe, elle ne songe pas encore á ce qu'elle pourrait bien signifier.''


Un seul regret: C'est presque trop court!!! Arrivé page 110, on en voudrait encore!


Alors pour ceux qui voudraient continuer, vous pouvez vous tourner vers l'Ecole des Loisirs . B. Smadja y écrit pour les plus petits... ou continuer chez Actes sud, avec ses deux autres romans: Le jour de la finale ou le Jaune est sa couleur.

12 novembre 2008

Coup de foudre






Andrei Makine et son testament français, ce fut comme un coup de foudre inattendu, il y a longtemps déjà. Je ne savais pas en commençant ce roman, que j'allais être emportée si loin et si vite par son écriture foudroyante.




Et là, par hasard, et sans même regarder le nom de l'auteur, j'ai pris La musique d'une vie à la bibliothèque. Pour son titre, et pour sa couverture. Quelques pages après, Makine avait encore frappé et j'étais emportée loin de tout dans une histoire intense portée par des mots forts.




" Quand il laisse retomber ses mains sur le clavier, on put croire encore au hasard d'une belle harmonie formée malgré lui. Mais une seconde après la musique déferla, emportant sur sa puissance les doutes, les voix, les bruits, effaçant les mines hilares, les regards échangés, écartant les murs, dispersant la lumière du salon dans l'immensité nocturne du ciel derrière les fenêtres."



C'est l'histoire de Berg, ou plutôt d'un pianiste et compositeur de talent, qui doit cacher son identité pour survivre dans le régime sovietique de la peur et de la misère. Le titre de ce roman aurait pu être "la musique ou la vie," tant l'histoire est proche d'une certaine façon de celle de J. Semprum dans l'écriture ou la vie, mais aussi et surtout dans le mort qu'il faut.


Makine a le don de décrire l'impalpable, et celui de la musique et de la mémoire avant tout. Il a le don de nous prendre par des chemins de traverse pour nous mener à l'essentiel.


Le livre s'ouvre et se referme en musique en un clignement d'oeil.


Avis aux amateurs de finesse du style, avis aux amateurs d'aventure russo-sovietique, avis aux amateurs de musique...


Et pour ceux qui chercheraient à découvrir un blog musicalement fort et de qualité, c'est ici.

09 novembre 2008

Made in Japan



De WATAYA Risa, j'ai lu cette semaine Appel du pied, traduit du japonais par Patrick Honnoré.

Si le début m'a vraiment séduite, le reste ressemble plus à un grand dessin animé ou manga japonais où tous les lycéens sont en uniforme, marchent sur des musiques douces, et font preuve de grande sensiblerie.

On retrouve les japonais, "fan de" à mort.

Mais surtout on retrouve un style à part pour décrire l'adolescence:

"La solitude me sonne dans la tête. Un son de clochette, très aigu, à me casser les oreilles. Pour que les autres ne le remarquent pas, je lacère une photocopie. Fines et longues lanières. Le bruit agaçant du papier qui se déchire couvre au moins celui de la solitude."

Un mot sur l'auteur: à dix-neuf ans, WATAZA Risa est la plus jeune lauréate jamais couronnée du pris Akutagawa, le Goncourt japonais.

06 novembre 2008

Reflet dans l'eau...


Eau sauvage de Valérie Mréjen. Une eau fraîche dans laquelle il fait bon se regarder ou jeter quelques cailloux.



Au début on goûte du bout des lèvres ces lignes écrites comme des bribes de conversations entendues dans la rue. Des mots clichés mais qui font sourire lorsqu'ils sont défaits de leur contexte.



Et puis on ne peut s'empêcher de voir dans ces ronds dans l'eau qui s'affichent et s'effacent des pointes de burlesque des situations quotidiennes.



"Allô, tout va bien ma chérie? Non parce que j'ai vu ce matin dans le journal qu'un immeuble a brûlé dans le XIe et comme tu es dans le XIIe j'ai pensé à toi en me disant que c'était peut-être chez toi."



Petit à petit, on devine des extraits enregistrés des paroles d'une mère, ah non d'un père. Et puis on découvre son âge 71 ans, ses promenades dans les bois, ses attentions parfois trop envahissantes par rapport à ses filles,... Un roman qui laisse la part à l'imagination, puis qui se construit tout en négatif. Tout est dans le silence d'en face, tout est dans les réceptions possibles de ces phrases perdues mais liées les une aux autres.



"Je l'ai aperçue à l'enterrement de mon cousin, de loin ouh là... j'ai fait semblant de ne pas la voir."



"Allô il est 8h moins cinq, je suis déjà au restaurant, je pense que tu es en chemin, je t'attends, à tout de suite"



Très beau style parlé. Des messages laissés sur un portable, des réflexions qui donnent lieu à des figures limpides derrière ses tâches impressionnistes. Un roman hors norme de par sa forme: des suites de petits paragraphes qui sont autant de citations de ce père, et surtout entre eux les silences de la narratrice ou presque telle, une de ses filles sûrement.



Un livre qui se lit et se relit.



Un livre léger et doux.



Un livre amer parfois mais toujours une écriture subtile.



Un mot pour finir sur l'auteur. Née en 1969, Valérie Mréjen est romancière, mais aussi plasticienne et vidéaste. Je vous conseille d'aller faire un tour sur le site du Jeu de Paume pour en savoir d'avantage: c'est ici. (Le film vaut le détour)




02 novembre 2008

Microcosme chinois




Le livre s'intitule Les secrets d'un petit monde, et est écrit par le chinois Ye Mang. Ye Mang est le pseudonyme de Peng Xingguo, un auteur chinois contemporain connu pour ses peintures satiriques des travers de la société chinoise : corruption, favoritisme, détournements de fonds, mercantilisme, ...


Sur la couverture de ce court roman, on devine le visage de Mao, peint en arrière plan.


L'histoire se passe dans un immeuble de Pékin. On suit M. Wang, le concierge et le narrateur, un locataire écrivain. Mais on suit surtout les frasques des habitants de l'immeuble dont celles de Melle He, une femme entretenue qu'on appelle "la veuve" non sans ironie. C'est une oeuvre de microsociologie chinoise. Rien ne marche dans l'immeuble, essentiellement à cause de la corruption de ses constructeurs. Tout le monde est lucide sur la société chinoise mais personne ne le dit vraiment directement. Tout est en sous-entendu. On peut découvrir un certain humour chinois où les sourires cachent beaucoup et les bons mots de M. Wang révèlent tout. Ou presque.


A conseiller à ceux qui cherchent à comprendre la Chine d'aujourd'hui.


A conseiller à ceux qui aiment les romans construits autour d'un immeuble (L'immeuble Yacoubian, L'élégance du hérisson, etc)


Ceux qui aiment les intrigues bien ficelées préféreront toutefois ce polar chinois à ce roman micro-sociale d'observation perspicace.