Vue sur la littérature d'ici ou d'ailleurs, à la recherche de petites pépites à partager, pour ré-enchanter nos imaginaires d'avenir... Mon site web de prospective: pan-or-amiques.com
30 octobre 2006
Quel animal êtes vous?
Ca m’a fait penser au Petit Prince de A. de St Exupéry. C’est l’histoire d’une petite cane qui ne sait pas qui elle est. Au début, comme elle se retrouve près d’une pantoufle, elle pense qu’elle est la fille d’une pantoufle… puis elle rencontre un castor, qui lui explique qu’elle ne peut pas être la fille d’une pantoufle, et donc, elle se pense peu á peu castor. Elle se met á travailler très dure sur les barrages avec toute la communauté. Jusqu’á que le chef des castors lui explique qu’elle, elle a des plumes… et qu’elle n’est pas un castor…
On la suit alors dans toutes ses rencontres (avec des chauve-souris en campagne électorale, des grues très fashion, un loup solitaire écrivain, etc.) et chacun de ses échanges est une petite leçon de vie. Car au fond, comment savoir vraiment qui nous sommes ? Comment décider de nos vies, de nos envies ?
Ce livre est une fable moderne et simple, qui raconte avec beaucoup d’humour et de douceur les aléas et les beautés de la vie. J’espère qu’il sera bien vite traduit pour voyager un peu á son tour !
16 octobre 2006
Fenêtre sur la Hongrie...
''Un éclatement de lieux dont on aimerait occuper chaque place.''
La justesse de ses mots m'a touchée.
Et donc aujourd'hui, je vous emméne dans un autre lieu à occuper dans ce jeu d'ubiquité littéraire qu'offre la lecture de romans! C'est parti pour la HONGRIE!
Jusqu'á présent, je n'avais jamais lu de romans hongrois, et pour tout vous dire, je n'avais pas la moindre idée des romanciers hongrois célebres! Et depuis peu, j'ai eu la chance de pouvoir découvrir Sándor Márai. Pour vous le situer un peu, il s'inscrit dans la lignée de Zweig ou de Musil.
J'ai lu Les braises. Il y décrit l'empire austro-hongrois avec beaucoup de finesse. Il dépeint fort bien un monde finissant, lentement, à petit feu. En peu de mots, il nous fait pénétrer dans les méandres d'une amitié profonde entre un général et son ami d'enfance Conrad. Amitié tendue, qui enferme les traces de brûlures passées et les braises encore luminescentes des différents sociaux et humains.
10 octobre 2006
Un petit peu d'Italie...
Alors pour commencer á découvrir les cypres, les villas jaunes aux volets verts entre deux oliviers, je vous propose Umberto Eco et son roman La mysterieuse flamme de la reine Loana. En suivant un amnésique qui tente de retrouver la mémoire, Umberto Eco nous plonge dans l'histoire de l'Italie, celle noire et douloureuse du fascisme, celle belle et solidaire des villages oubliés au flan des montagnes.
Une des originalités du livre est que l'auteur nous fait vivre en texte mais aussi en images l'histoire du pays, en incluant des publicités, des bandes dessinés, des journaux des années 30 et 40. Ainsi, il nous emporte dans un fabuleux jeu de de piste dans les méandres flous des mémoires.
En outre, le livre comporte des citations sublimes sur le brouillard, comme autant de bribes de pensées perdues auquel l'amnesique, autrefois libraire, tente de se raccrocher.
'' Mon âme détergeait les vitres du tram pour se noyer dans le brouillard mobile des réverbères. Brouillard, mon frère incontaminé... Un brouillard épais, opaque, qui emmitouflait les bruits et faisait surgir des fantômes sans forme... ''
06 octobre 2006
La bienveillance
Jorge Semprun, pour moi, ce sont des tisanes froides, oubliées sur la table, tellement son écriture m'emportait loin, loin dans la vie. Jorge Semprun, c'était retrouver un univers de khâgne et de poésie après l'avoir quittée. Il m'en reste plein d'émotions et une envie d'apprendre des vers par coeur pour emmener des bruns de poèmes partout avec moi.
L'écriture ou la vie est indéniablement un livre à lire. Il raconte sa sortie du camp de Buchenwald et l'invention d'un mode de survie par l'écriture. Il parle aussi de la résistance, avec des scènes inoubliables.
- Il est avec un ami résistant, et ils sont en embuscade pour tuer un allemand, et là, ce jeune soldat se met à chanter La paloma, une chanson de l'enfance pour J. Semprun. Il est soudain paralysé, il ne sait plus que faire, il ne peut plus tirer, alors qu'il sait qu'il le faut...
- Il est debout devant les soldats américains qui viennent de découvrir le camp et de le libérer. Il comprend soudain dans leur regard son état, sa condition, son squelette. Il est soudain lucide, il ne sait plus que faire, mais il va avancer, et trouver les mots justes.
Dans Adieu Vive Clarté, il est un étudiant en première année de prépa. Un étudiant qui parle de son vécu sans parler de la suite, de la déportation, de la douleur... et pourtant indiciblement, on la sent poindre à chaque ligne.
Plus récemment, dans Vingt ans et un jour, il parle en espagnol de son rôle clandestin pour lutter contre le Franquisme. On découvre un autre visage, une autre voix.
Enfin, je voulais dire un mot de la bienveillance. Roland Barthes, dans son cours sur le Neutre, en donne une très belle définition. Il explique tout d'abord que ça vient du latin "bene volens" puis de l'italien "ti voglio bene": littéralement "je te veux du bien" J'aime cette idée, et j'apprécie la typologie qu'il en fait. Il distingue la bienveillance humide et la bienveillance sèche. La première consiste à manifester à l'autre notre attention, en lui demandant s'il a besoin de quelque chose, en l'entourant. La seconde est plus subtile. C'est une attention silencieuse et forte, qui me rappelle ce poème appris il y a longtemps déjà:
« Dans les rues de la ville il y a mon amour.
Peu importe où il va dans le temps divisé.
Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler.
Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima
et l'éclaira de loin pour qu'il ne tombe pas »
05 octobre 2006
Coincidences
Commençons par un petit tour dans le dictionnaire! A l'origine, c'est un terme de géométrie qui décrit l'état de lignes ou de surfaces qui peuvent se superposer, ce qui fait de mon panorama du jour un palympseste!!! Mais ensuite, le terme veut dire simultanéité, rencontre, et donne lieu à de nombreuses études par nos chers romanciers!
Mes préférés: Paul Auster. Dans tous ses romans se cachent de magnifiques coincidences, qui nous montrent que finalement nous sommes tous reliés mystérieusement les uns aux autres. Souvent, il part d'un personnage en chute, heurté et bouleversé par la vie, à qui il arrive tout d'un coup un événement étrange qui le concerne tout particulièrement. Cela déclenche une chaîne de coincidences qui donnent sens à la vie du personnage et au-delà à notre existence. En outre, pour ceux qui ne voudraient pas se lancer dans un roman, Paul Auster raconte dans The red notebook les vraies coincidences qui l'ont amusé dans sa vie ou celle de ses amis. Amusant à découvrir!
Ensuite, le deuxième auteur qui selon moi à vraiment tout compris aux coincidences est Milan Kundera. Parmi les plus belles pages, on trouve dans L'Immortalité une typologie des coincidences. Selon lui, il existe par exemple des "coincidences muettes" lorsqu'elles ne sont aucunement significatives dans un contexte, des "coincidences poétiques" lorsqu'elles insufflent à l'événement une signification imprévue, comme si tout d'un coup deux mélodies s'unissaient pour faire une musique magique, etc.
Enfin, pourquoi est ce que je vous parle aujourd'hui des coincidences? C'est parce que je suis en train de lire l'Elegance du hérisson de Muriel Barbery, petit roman fort sympathique de cette rentrée, qui en joue bien à sa façon! En voici un petit avant-goût:
“Je m’appelle Renée, j’ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bougeois. Je suis veuve, petite, laide, grassouillette, j’ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l’idée que l’on se fait des concierges qu’il ne viendrait à l’idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants. Je m’appelle Paloma, j’ai douze ans, j’habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c’est le bocal à poissons, la vacuité et l’ineptie de l’existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C’est pour ça que j’ai pris ma décision : à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai.”
Je ne vous dévoile pas quel jeu de coincidences va mêler la première phrase de Anna Karénine et le cinéaste japonais Ozu à ce petit monde du 7 rue de Grenelle pour le meilleur et pour le pire! Mais je vous promets que ça vaut le détour!
Bonne lecture et heureuses coincidences à vous!