02 janvier 2012

Du domaine des Murmures




On y arrive pas à pas, par la forêt, presque géographiquement, à ce château... en observant une carte, un territoire. Mais c'est bien dans l'histoire que nous sommes plongés, puisque le roman nous entraîne en 1187. Nous trouvons Esclarmonde au domaine, sur le point de se marier, mais qui va dire non et faire voeu de réclusion. Elle va être emmurée vivante dans une petite pièce attenante à la chapelle, avec seulement un espace de fenêtre à barreaux pour être nourrie. C'est alors qu'au lieu de se couper du monde, elle va devenir le centre des voyages des pèlerins, des récits des pêcheurs, et bien d'autres choses encore.

Curieux roman où le style ancien des "ribaudes" va de pair avec un regard moderne qui nous est comme adressé personnellement à nous les habitants du siècle 21. Etrange conte qui donne à voir la foi, la croyance, la religion, l'église, les prélats et les croisés tout en parlant de la vie, de sa fugacité et ses mystères, de ses fluctuations infimes ou fortes.

Un livre pour ceux qui aiment les romans historiques mais pas que... il y a du suspense, il y a des émotions, et de la modernité derrière cette vie de château.

Un texte qui donne un regard fort sur les femmes, le pouvoir, la domination, et les engagements.

Un livre qui montre que l'on peut voir le monde dans une goutte d'eau.

"Le monde en mon temps était poreux, pénétrable et merveilleux. Vous avez coupé les voix, réduit les fables à rien, niant ce qui vous échappait, oubliant la force des vieux récits. Vous avez étouffé la magie, le spirituel et la contemplation dans le vacarmes de vos villes et rares sont ceux qui, prenant le temps de tendre l'oreille, peuvent encore entendre le murmure des temps anciens ou le bruit du vent dans les branches. Mais n'imaginez pas que ce massacre de contes a chassé la peur! Non, vous tremblez toujours sans même savoir pourquoi."

Curieuse leçon que celle que nous livre cette narratrice recluse... Une forme de sérénité, de douleur et d'imaginaire légendaire jaillissent des pages et entrent en nous puissamment.

Carole Martinez a eu le prix Goncourt des lycéens 2011, et a été coup de coeur 2011 de la fête du livre de Saint Etienne. On comprend pourquoi! Il ne faut ni craindre le mysticisme, ni les longues descriptions moyenâgeuses. Tout est là mais d'un ton clair et digne.

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