19 septembre 2007

Livre de chevet

Il est des livres qu'on ne lit pas d'une traite, mais qu'on aime à avoir à portée de main, pour en grignoter des bouts, tard le soir quand la nuit s'annonce. Le livre de l'intranquilité de Pessoa est de ceux là.

C'est un bijou, presque trop beau pour être vrai... pourtant on peut le porter au creux de soi tous les jours.


Finement simple et simplement tortueux, Pessoa nous embarque dans son aventure très impressioniste de comptable de l'existence, au milieur du néant, de la beauté et de la douleur. Ce journal intime nous conduit dans des réflexions métaphysiques au milieu de détails simples du quotidien.







Pessoa, un personnage à part entière. Né au Portugal, il a composé une oeuvre magistrale sous différents noms ou devrais-je dire "hétéronymes" pour faire plus littéraire! Du genre: Alberto Caeiro, Ricardo Reis, Alvaro de Campos, etc. Bernardo Soares est le nom sous lequel il a écrit le Livre de l'intranquilité. Il dira qu'il est l'hétéronyme dont il se sent le plus proche... Donc ce n'est pas tout à fait un journal. C'est le journal d'un partie de Pessoa... Ne sommes-nous pas tous multiple?


Difficile de vous en choisir un morceau, tant ils sont nombreux à être éblouissants...

En guise d'introduction, je vous copie donc cette lettre:


14 Mars 1916


"Je vous écris aujourd'hui, poussé par un besoin sentimental - un désir aigu et douloureux de vous parler. Comme on peut le déduire facilement, je n'ai rien à vous dire. seulement ceci - que je me trouve aujourd'hui au fond d'une dépression sans fond. L'absurdité de l'expression parlera pour moi.
Je suis dans un de ces jours où je n'ai jamais eu d'avenir. Il n'y a qu'un présent immobile, encerclé d'un mur d'angoisse. La rive d'en face du fleuve n'est jamais, puisqu'elle se trouve en face, la rive de ce côté-ci; c'est là toute la raison de mes souffrances. Il est des bateaux qui aborderont à bien des ports, mais aucun n'abordera à celui où la vie cesse de faire souffrir, et il n'est pas de quai où l'on puisse oublier. Tout cela s'est passé voici bien longtemps, mais ma tristesse est plus ancienne encore.
En ces jours de l'âme comme celui que je vis aujourd'hui, je sens avec toute la conscience de mon corps, combien je suis l'enfant douloureux malmené par la vie. On m'a mis dans un coin, d'où j'entends les autres jouer. Je sens dans mes mains le jouet cassé qu'on m'a donné, ironiquement, un jouet de fer blanc. Aujourd'hui 14 mars à 11H du soir, voilà toute la saveur, voilà toute la valeur de ma vie.
Dans le jardin que j'aperçois, par les fenêtres silencieuses de mon incarcération, on a lancé toutes les balançoires par dessus les branches, d'où elles pendent maintenant. Elles sont enroulées tout là haut. Ainsi l'idée d'une fuite imaginaire ne peut même pas s'aider des balançoires pour me faire passer le temps.
Tel est plus ou moins, mais sans style mon état d'âme en ce moment...."






2 commentaires:

Anonyme a dit…

Le Livre de l'Intranquillité est mon livre de chevet. Il se lit aussi d'une traite !
Votre blog est intéressant, je vous rajouterai à mes liens la prochaine fois que je fais une modification.
Amicalement,

Anonyme a dit…

Très bonnes choses.