02 août 2012

Etre au plus près de soi



Dans Toute passion abolie, de Vita Sackville-West, nous suivons Lady Slane, tout juste veuve, et qui décide enfin de vivre comme elle l'entend. Elle ne veut plus être réduite à son rôle d'épouse, ou de mère, ou de femme docile.

Ce roman écrit en 1931 est d'un style élégant et fin.

Tout y tourne autour du bien vieillir, de l'acceptation de soi, du détachement et des rêves.

Lady Slane nous montre quelle place donner au souvenir quand on prend de l'âge et que le corps devient un ensemble de petites douleurs.

C'est aussi un roman sur la place des femmes, les liens de famille, et les tensions lors de décès.

C'est un livre épuré, où les dialogues et les gestes sont les révélateurs de jeux sociaux avec précision, et où le sens de la vie est questionné avec tact.

Un livre à recommander à toutes, pour prendre un peu de hauteur et de recul. Ce personnage de Lady Slane est magnifique et attachant, dans toutes ses forces et ses faiblesses.

Deux extraits:

"Heureuse! Qui pouvait dire qu'elle l'avait été? Était-ce concevable de résumer toute une vie en un petit mot de deux syllabes. Heureuse! Certes, on pouvait l'être un instant, mais deux minutes plus tard connaitre le malheur. Heureuse! Qu'est ce que cela signifiait? C'était tout juste un mot commode pour ceux qui veulent que la vie soit uniformément blanche ou noire, pour ces petites gens perdus dans la jungle humaine et qui cherchent à se rassurer par une formule. Heureuse! Il y avait des moments où elle aurait pu dire: oui, j'étais heureuse; et avec autant de conviction: non, je ne l'étais pas."

"Et aussi la manifestation de toutes sortes de petites douleurs, pour lesquelles elle commençait à éprouver une véritable affection. En fait c'était son corps qui était devenu son plus fidèle compagnon. Jamais plus il ne se faisait oublier. Toutes les petites misères corporelles, celles-là même que l'on garde pour soi, qu'on ignore quand on est jeune, étaient désormais devenues envahissantes, exerçant sur elle une sorte de rassurante tyrannie. Ce soupçon de lumbago qui l'obligeait à quitter son fauteuil avec précaution lui rappelait ce jour où à Nervi elle s'était démis une vertèbre, depuis ce temps d'ailleurs son dos n'était plus très solide. Elle connaissait également de petits problèmes intimes avec ses dents, qui l'obligeaient à mâcher lentement, d'un côté plutôt que de l'autre. Instinctivement, elle pliait le troisième doigt à la main gauche, pour prévenir une douleur due à une névrite."


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