Publié à la fin des années 1970, ce roman américain écrit par William Styron nous plonge dans l'après guerre, à Brooklyn. Stingo, un jeune homme qui essaie tant bien que mal d'accoucher de son premier roman se noue d'amitié pour Nathan et Sophie, un couple détonnant qui habite juste au dessus de chez lui. Les deux amoureux ne font que s'entre déchirer, s'aimer passionnément, violemment, sans limite. Stingo les suit dans leurs délires, dans leurs envies, et dans leurs peines. Il découvre que Sophie est une rescapée d'Auschwitz. Elle va peu à peu se livrer à lui, dans les moindres détails, jusqu'au plus extrêmes douleurs et humiliations.
La force de ce roman est d'interroger le nazisme avec un regard américain, où l'esclavage a aussi fait ses ravages. Les allés-retours entre la vie New Yorkaise et la vie du camp construisent un récit où se superposent les questions de bien et de mal, de folie et de littérature.
Le récit est une sorte de cycle infernal, qui reproduit des peines, des viols, et des moments doux et musicaux dont on ne trouve plus toujours le sens.
C'est donc un roman douloureux, et pourtant ponctué d'érotisme, de conversations métaphysiques, de rires et de dialogues enjoués.
Tout le monde ment, construit sa fiction pour mieux parler du réel. En ce sens, Le choix de Sophie pose la question de la sincérité, de la vérité, de la narration et du vécu sans cesse reconstruit.
Étrange roman réaliste, poussé dans ses recherches sur les plans nazis, mais qui créée pourtant des mises en abîmes qui jouent sur l'écriture et sa temporalité. Extraits de lettres, de journaux intimes, dialogues, dialogues rapportés, revus et corrigés, alternent avec brio, sans oublier les fameuses notes de lecture qu'écrit le narrateur au début du roman, et qui sont des petits amusements qui ne laissent en rien présager de la fin, et du terrible choix de Sophie.
Ce livre est donc à conseiller à tous ceux qui s'intéressent à la culpabilité, à la moral, et aux enjeux cornéliens du bien et du mal.
Un roman aussi à recommander à ceux qui s'interrogent sur les camps, le devenir des juifs, et surtout la survie des survivants après la chute du nazisme.
Un texte qui n'est pas facile, qui n'est pas à lire quand on est dans une mauvaise passe. Il contient des scènes choquantes. Il convient donc d'être dans de bonnes conditions pour se plonger dans Le choix de Sophie. Pour ceux qui le feront, ils en sortiront forts d'une vraie expérience littéraire, qui questionne la mise au roman des camps, et qui soulève de vrais enjeux moraux. Vous en sortirez perturbés, mais dans le bon sens du terme...
Un extrait sur Sophie qui vous montrera bien le style de Styron:
" Elle cherchait sa voie à tâtons. Pour avoir connu, et dans tous les sens du mot, une renaissance, elle avait un peu de fatigabilité, et en fait, beaucoup de l'impuissance d'un nouveau né. Sa gaucherie était celle du paraplégique qui retrouve peu à peu l'usage de ses membres. De petites choses, des petits détails absurdes continuaient de la dérouter."
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