10 mars 2010

Chapeau bas et balai-brosse haut!








On lit Sur le quai de Ouistreham, et on a envie de faire un texte mieux que bien pour conseiller sa lecture. Car elle s'en est donné du mal, Florence Aubenas, pour percer les silences et les tabous du monde de la précarité; Car elle sait frotter sa plume aux mots durs, aux visages épuisés et au brouillard du nord; Car elle nous touche et nous parle de juste à côté, et de si loin pourtant.




Florence Aubenas, célèbre journaliste, et ancienne otage en Irak, a donc tout quitté pour six mois. Elle a dit à son entourage professionnel qu'elle partait en congé sabbatique au Maroc, alors qu'elle se faisait passer pour une femme seule, sans diplôme, à la recherche d'un emploi dans la banlieue de Caen. De cette expérience elle a fait un récit du quotidien des exclus: les heures à Pôle Emploi, les entretiens d'embauche, la dureté des tâches de ménage à accomplir pour survivre, la fatigue, le cumul de petits boulots mal payés et souvent pour très peu de temps, et le pire: le ferry dont les toilettes à nettoyer sont présentés comme le summum de la brutalité contemporaine.




J'ai trouvé cette plongée dans le monde des chômeurs en quête d'heures de ménage bienvenue dans un monde où peu de gens savent vraiment ce qui se cache derrière les chiffres et les rapports administratifs. Je ressors de ma lecture pleine de questions: Est ce que Florence Aubenas a coupé avec ses proches pour connaitre l'isolement aussi? A-t-elle été bien accueillie quand elle a fait tomber le masque, en Robin des bois des temps moderne? Ou les gens se sont-il sentis trahis? Que retient-elle de ces six mois aujourd'hui? Pense-t-elle que cette forme de journalisme va avoir un impact social ou politique?




Il paraît que l'ouvrage devient difficile à trouver, rupture de stock en librairie... Serait-ce un signe prometteur d'une prise de conscience? Affaire à suivre donc...




J'entends aussi les critiques: "c'est facile de jouer au précaire quand on sait qu'on retrouve sa place au chaud après... " Oui, mais non! Je vous promets qu'à lire les douleurs physiques, le manque de soleil, et la détresse psychologique qu'a pu ressentir Florence Aubenas, on admire juste son courage.




Je conseille ce livre à ceux qui veulent savoir comment on vit avec 700 euros par mois, mais surtout comment on vit quand on devient transparent aux autres, et traîté comme une mois que rien...




Je recommande ce livre à ceux qui côtoient des milieux exclus du monde et de la société, pour leur donner envie de témoigner à leur tour ...










2 commentaires:

FICUS a dit…

Bravo pour cette critique, qui donne très envie de lire ce document. Je suis sûr que l'on en apprend un peu sur cette France de très en bas, que finalement nous cotoyons sans nous intéresser à son quotidien.
Que penses-tu, par contre, de la mini-polémique qui a accompagné cet ouvrage? Non pas une critique de la journaliste qui va passer six mois de sa vie comme ça et après revenir dans son milieu (elle fait son boulot, et plutôt bien mieux que la plupart des autres), mais le fait que si c'était une précaire qui avait écrit ce livre, personne ou presque n'en aurait parlé alors que là, comme c'est une journaliste, tous les magazines, journaux, etc... en font la pub. Je sais que c'est tant mieux, puisque au moins on en parle, on en débat, et que c'est un petit élément supplémentaire dans la vision du paysage social français de plus en plus délétère. Mais c'est agaçant cette puissance illégitime des journalistes, qui maîtrisent une bonne partie de l'espace public.
Tout ça c'était juste pour râler un peu. Mais je vais dès que possible me ruer sur ce livre!

FICUS a dit…

PS : voici un lien vers la polémique dont je parlais : http://www.acrimed.org/article3323.html