15 octobre 2009

Mal-être en barre




C'est un roman d'actualité, remarquable, sur le mal-être en entreprise. Son titre: Les heures souterraines de Delphine de Vigan.

Elle y dissèque avec talents toutes les mesquineries, les bassesses, les non-dits qui détruisent à petit feu, de l'intérieur, dans notre monde moderne. Les longs trajets de RER, l'indifférence générale, la solitude, les luttes intestines pour réussir, etc.

Mathilde travaille dans le marketing. Elle a tout pour faire une belle carrière, elle est reconnue, elle donne beaucoup d'énergie pour sa boîte. Et un jour, tout bascule sans qu'elle ne s'en rende compte. On lui donne le bureau à côté des toilettes, on ne la met plus en copie des emails, elle n'est plus informée des réunions... Tout s'enraye. On ne fait que lui répéter qu'elle a mauvaise mine. Qu'elle devrait se reposer. Elle sombre peu à peu.

"D'abord Jacques avait décidé que les quelques minutes qu'il lui consacrait chaque matin pour faire le point sur les priorités et les dossiers en cours constituaient une perte de temps. Elle n'avait qu'à se débrouiller seule, et le solliciter en cas de besoin. De même, il avait cessé de venir la voir dans son bureau en fin de journée, un rituel qu'il avait instauré depuis des années, une courte pause avant de rentrer chez lui. Sous des prétextes plus ou moins plausibles, il avait évité toute occasion de déjeuner avec elle. Il ne l'avait plus jamais consulté à propos d'une décision, avait cessé de se préoccuper de son avis, n'avait plus jamais fait appel à elle d'aucune manière."

Thibault lui est médecin. Il parcourt Paris en voiture de détresse en douleur, au milieu des embouteillages et des SMS l'informant des visites à effectuer. Il souffre de sa récente rupture...

Tous les deux naviguent dans le noir de la ville. Tous les deux n'ont plus d'air pour respirer.

Un roman saisissant, qui illustre bien notre époque et ses travers.

Un texte qui plaira à tous ceux qui ont approché de près ou de loin l'hypocrisie des grandes entreprises.

Des mots qui parleront à ceux qui ont pu un jour se sentir en détresse.


"Au moment où la porte se referme derrière elle, Mathilde plonge la main dans son sac jusqu'à sentir le contact du métal. Elle a toujours peur d'avoir oublié quelque chose, ses clés, son téléphone, son porte-monnaie, son passe Navigo. Avant, non. Avant, elle n'avait pas peur. Avant, elle était légère, elle n'avait pas besoin de vérifier. Les objets n'échappaient pas à l'attention, ils participaient d'un mouvement d'ensemble, un mouvement naturel, fluide."

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