28 octobre 2009

Résistant




C'est un petit univers de peur à l'atmosphère étouffante, où personne ne peut faire confiance à personne, où tout est basé sur l'image et le mensonge, où tout le monde doit jouer un jeu habile pour survivre, où tout peut basculer et très vite.

C'est à Berlin en 1940, juste après la défaite française. La Gestapo, les SS et les commissaires sont partout, ainsi que les membres du parti. Il n'y a pas d'issue, pas de justice. L'arbitraire est omniprésent.

Pourtant, au milieu de tout ce dédale de propagande, un vieux couple tient bon. Les Quangel. Ils viennent d'apprendre la mort de leur fils au front, et cela crée chez eux comme un électrochoc pour entrer en résistance...

Un roman réaliste sur l'Allemagne nazie qui illustre toutes les dérives d'un régime totalitaire.

Un roman construit autour de la vie d'un immeuble, comme l'immeuble Yacoubian et les secrets d'un petit monde, et qui donne au genre tout son sens entre les rumeurs et les dénonciations de cages d'escalier. C'est d'ailleurs le lieu où tout se joue ou presque. Comme si l'immeuble en lui même se faisait l'écho de la société et de ses vices. Il y a ceux qui se jettent des fenêtres, ceux qui se cachent, ceux qui épient par les judas, ceux qui déposent des cartes postales dénonçant le régime au détour d'un appui de fenêtre,...

Un livre qui plaira à ceux qui ont lu Une femme à Berlin. La plume est si proche du quotidien qu'on en dirait presque un témoignage au-delà de la forme romanesque.

Un livre qui fait réfléchir sur l'homme et son pouvoir en société. Sur le mal. Et qui n'épuise pas le sujet, mais le ravive bien au contraire.

Un livre hommage aux résistants de tout bord. Un grand livre, comme le disait Primo Levi, à juste titre...

Son titre en allemand Jeder stirbt für sich allein (en français dans le texte: Chacun meurt pour lui tout seul). Tout est là.

Un extrait:

"Les Hergesell supportaient avec peine cette atmosphère dans laquelle il leur fallait vivre. Mais ils se répétaient que rien ne pouvait leur arriver, puisqu'ils n'entreprenaient rien contre l'Etat. 'Les pensées sont libres' disaient-ils. Mais ils auraient dû savoir que ce n'était même plus le cas sous ce régime."

23 octobre 2009

Soliste





Il y a peu, Carole, une amie, m'a fait découvrir les petits livres amusants d'Eleonore Zuber (lorsque je me sens ridicule, lorsque je suis vraiment chiante, etc). Et hier, je suis tombée sur Seule en solo, de Oxolaterre et Sophie Zuber, et j'ai décroché quelques sourires alors même qu'il faisait gris! Et j'ai pensé qu'entre Eleonore et Sophie, les Zuber avaient du bon en ce début d'hiver!

Aussi bien chez l'une que chez l'autre, j'aime le style du dessin naïf qu'on imaginerait bien sur des T shirts ou des cartes postales . J'aime le côté laconique du texte de leurs BD.

Dans la série des Lorsque... d'Eleonore Zuber, tout est dans le détail qui tue... dans le cocasse... Elle se moque bien des filles, de leurs manies (régime, shopping, etc) et de leur envie d'être amoureuse!

Dans Seule en Solo, on retrouve tour à tour toutes les petites phrases qu'une célibataire entend de ses amis, de ses parents... et ses pensées aussi.

De: "Parfois, on a un gros rhume et personne pour nous porter un aspirine" à "Je suis le nombre impair. A cause de moi, on ne peut pas alterner un homme une femme autour de la table" en passant par plein d'autres petits bouts de vécu!

Juste quelques pages et tout est dit ou presque!

Dans le même genre, il y a Joséphine de Pénélope Bagieu... qui rentre pour ne retrouver que des piles de factures dans sa boîte-aux-lettres, un frigo vide et son chat! Qui n'en finit pas d'essayer de trouver quelqu'un (de meetic en soirées, de clubs de ski en réunions de bureau).

Alors un phénomène social à étudier la BD pour femme esseulée? Stéréotype ou rigolade? A vous de juger!

20 octobre 2009

Humain, très humain




Il m'arrive rarement de pleurer en lisant un livre, mais là, je n'ai pas pu l'empêcher. D'autres vies que la mienne m'a touchée en plein coeur. Une de mes meilleures lectures des derniers mois. C'est un livre Humain, avec un grand H. Un livre où tout ce qui fait notre condition surgit et nous fait face: la mort, la maladie, l'amour, les peurs, les joies, les horreurs, les peines.


C'est un livre profond. C'est un livre sincère, je crois. Ce n'est pas un roman mais plus un partage d'évènements rares et intenses: D'abord, le tsunami en Asie du Sud-Est. E. Carrère y était avec sa compagne et leurs enfants. Ils ont survécu mais la petite fille d'un couple avec qui ils avaient sympathisé y est morte noyée. Ensuite, le mort de la soeur de la compagne d'E. Carrère. Elle était juge, elle avait un mari et trois petites filles mais elle a été emporté (et très vite) par un cancer. E. Carrère analyse ces situations de deuil. Nous sentons son regard à la fois introspectif, et curieux des autres. C'est une entrée dans l'intime qui fait réfléchir à son propre vécu. Mais qui fait aussi pénétrer dans des sphères parfois ignorées comme celle de la petite existence d'un tribunal d'instance à Vienne (Isère), ou celle des chambres d'hopitaux où il question d'amputation, de soins paliatifs, entre autres.


Ce livre m'a tellement marquée, que les mots me manquent pour le décrire. Il y a tant de passage qui m'ont bouleversée chacun à leur façon...


"Ce qu'Etienne découvre devant ces types perdus au tribunal, écrabouillés, mal barrés dès le départ, c'est que plus ce qu'on lui dit est difficile à entendre, plus il est calme. Devant les souffrances d'autrui, il retrouve instinctivement la posture qui lui a permis de supporter les siennes lorsqu'il était cancéreux. S'ancrer au fond de lui-même, dans son ventre. Ne pas se révolter, ne pas lutter, laisser faire: le médicament, le cours de la maladie, celui de la vie. Ne pas chercher quoi dire d'intelligent, laisser venir les mots qui sortent de sa bouche: ce ne sont pas forcément les bons, mais c'est seulement comme cela que les bons ont une chance de sortir."


Un livre à conseiller à tous ceux qui doutent encore qu'au plus sombre de la tragédie on puisse trouver un peu de lumière...
Un livre pour creuser en soi au fin fond de l'hiver...

15 octobre 2009

Mal-être en barre




C'est un roman d'actualité, remarquable, sur le mal-être en entreprise. Son titre: Les heures souterraines de Delphine de Vigan.

Elle y dissèque avec talents toutes les mesquineries, les bassesses, les non-dits qui détruisent à petit feu, de l'intérieur, dans notre monde moderne. Les longs trajets de RER, l'indifférence générale, la solitude, les luttes intestines pour réussir, etc.

Mathilde travaille dans le marketing. Elle a tout pour faire une belle carrière, elle est reconnue, elle donne beaucoup d'énergie pour sa boîte. Et un jour, tout bascule sans qu'elle ne s'en rende compte. On lui donne le bureau à côté des toilettes, on ne la met plus en copie des emails, elle n'est plus informée des réunions... Tout s'enraye. On ne fait que lui répéter qu'elle a mauvaise mine. Qu'elle devrait se reposer. Elle sombre peu à peu.

"D'abord Jacques avait décidé que les quelques minutes qu'il lui consacrait chaque matin pour faire le point sur les priorités et les dossiers en cours constituaient une perte de temps. Elle n'avait qu'à se débrouiller seule, et le solliciter en cas de besoin. De même, il avait cessé de venir la voir dans son bureau en fin de journée, un rituel qu'il avait instauré depuis des années, une courte pause avant de rentrer chez lui. Sous des prétextes plus ou moins plausibles, il avait évité toute occasion de déjeuner avec elle. Il ne l'avait plus jamais consulté à propos d'une décision, avait cessé de se préoccuper de son avis, n'avait plus jamais fait appel à elle d'aucune manière."

Thibault lui est médecin. Il parcourt Paris en voiture de détresse en douleur, au milieu des embouteillages et des SMS l'informant des visites à effectuer. Il souffre de sa récente rupture...

Tous les deux naviguent dans le noir de la ville. Tous les deux n'ont plus d'air pour respirer.

Un roman saisissant, qui illustre bien notre époque et ses travers.

Un texte qui plaira à tous ceux qui ont approché de près ou de loin l'hypocrisie des grandes entreprises.

Des mots qui parleront à ceux qui ont pu un jour se sentir en détresse.


"Au moment où la porte se referme derrière elle, Mathilde plonge la main dans son sac jusqu'à sentir le contact du métal. Elle a toujours peur d'avoir oublié quelque chose, ses clés, son téléphone, son porte-monnaie, son passe Navigo. Avant, non. Avant, elle n'avait pas peur. Avant, elle était légère, elle n'avait pas besoin de vérifier. Les objets n'échappaient pas à l'attention, ils participaient d'un mouvement d'ensemble, un mouvement naturel, fluide."

13 octobre 2009

Coeur lourd




Hier soir, j'ai lu Le cœur-enclume de Jerôme Ruillier. Un trait fin et facile pour un sujet loin d'être évident: celui de la naissance d'un enfant prématuré et handicapé.

Ce qui m'a plu c'est la douceur malgré la dureté du sujet. On dirait presque des petits ours bruns. Cet album est plein d'émotions, de tendresse, de peine, de sentiments complexes et intimes. Il a quelque chose d'enfantin dans les dessins et cela pour parler d'un sujet d'adulte plutôt délicat: la naissance dans ce qu'elle peut avoir de déroutant.

Jérôme Ruillier ose parler de sentiments parfois inavouables comme le rejet de son enfant, les doutes face au handicap, la peur de l'annoncer aux proches, le dégout de soi-même. Il nous confie une tranche forte de sa vie comme un petit coquillage fragile.

Un témoignage bouleversant qui vaut la peine d'être lu...

Une petite leçon de vie en noir et blanc qui redonne des couleurs et de l'espoir!