Voici deux bandes dessinées très riches, et à découvrir absolument: David, les femmes et la mort de JudithVanistendael et La nouvelle orléans après le déluge de Josh Neufeld. La première parle du drame intime que peut représenter le cancer dans la phase finale et le deuxième raconte la catastrophe que fut Katrina à la Nouvelle Orléans. Chacune des bulles nous conduit au fond de la crise, quand on est à ce point charnière entre la mort et la vie.
Ce que j'aime dans David, les femmes et la mort, c'est le coup de pinceau, les couleurs, les visages, les envolées oniriques ou cauchemardesques. Ah ces rouges, ces noirs, et ces personnes si touchants! On se prend très vite à l'histoire, celle du malade David, mais celle aussi de toute sa famille (et heureusement qu'on a l'arbre généalogique au début pour nous aider!). On pleurt, bien sûr, mais c'est bien plus que ça. Pas de stéréotypes, pas de mélo, mais des mots qui glissent juste entre les lèvres serrées. J'aime les poèmes qui ponctue le récit. Un petit pour la route:
"Je ne dirai plus jamais: "tout se termine"
mais "souris et commonçons, mon âme"
En de nouvelles mains je mets de nouvelles rames,
Et de nouvelles tours surgissent de la ruine"
De Antonio Gala, poemas de amor
(traduction de Brouet)
Dans La Nouvelle Orléans après le déluge, c'est un dessin plus pop, plus flashy, plus monochrome, mais des personnages tout aussi attachants, car nous suivons jour après jour Denise, Leo et Michelle, Kwame, tous plus ou moins convaincus que le pire n'arrivera pas, et pourtant... On se dit qu'on pourrait bien avoir été comme eux, à sous-estimer ce qui allait advenir, à penser que les digues étaient là, que l'Etat sauverait tout le monde, avec l'armée, la médecine moderne, les services de secours, mais non! On a beau avoir lu, vu, cette BD nous immerge au coeur du cyclone, sous les flots noirs et puants, et on en perçoit d'autres choses que ces récits ressassés.
Deux petits chefs d'oeuvre pour comprendre les dimensions humaines, sociales, politiques, économiques, médicales, des instants trop forts pour que les mots suffisent.
Des BD pour ceux qui aiment les témoignages vivants et riches.
Des BD pour les médecins, les victimes, les accompagnants, les proches et loin de la mort, les rêveurs et les pessimistes, les catastrophistes éclairés et les dessinateurs en herbe!