C'est l'histoire vraie de Darina, née en 1968, fille d'un syrien réfugié politique au Liban et qui ne lui a transmis qu'un message en tant que père: être une femme libre, libre de croire, d'aimer, de danser, de boire, bref de vivre.
On suit son enfance, son adolescence et son devenir adulte sous les bombes, dans les abris, dans les exils, dans les hôpitaux, dans les bars,...
Ce livre se lit d'une traite tant on est emporté dans l'histoire, avec un grand H et un petit h. Les scènes sont fortes. Il y a le jour des funérailles de son père, où elle fait taire les récitations de Coran, malgré les représailles hors normes auxquelles elle s'expose. Il y a les soirées de coke et de roulettes russes entre jeunes à Beyrouth pour dompter la mort et les tirs permanents. Il y a les obus qui tombent, les écoles qui ferment, qui ré-ouvrent... les femmes qu'on enferme qu'on libère, les hommes qui sont un jour intellectuels, le lendemain prisonniers. Il y a ces scènes de la Croix rouge, où les blessés s'enchaînent dans toute la brutalité et la cruauté des massacres.
On découvre l'anomie et le chaos social de la guerre, et l'histoire du Liban, pays où se croisent des communautés diverses et qui peut devenir le théâtre d'affrontement qui le dépasse.
"Pour ne pas voir Beyrouth à la lumière, je vivais dans le noir, les rideaux tirés toute la journée. Je ne savais plus vivre sans la guerre, mon corps avait été programmé pour elle, depuis mon enfance, j'étais réglée par la peur, tous mes gestes n'avaient de sens que par rapport à elle, comment éviter les murs, les fenêtres, écouter le bruit, flairer le danger, traverser une rue, tout cela n'avait plus de sens avec la paix. Je ne savais plus aimer, ni baiser loin de la guerre, je ne pouvais pas dormir sans le murmure des balles. Du jour au lendemain, j'ai décidé de me faire la guerre, comme si je n'avais plus de goût à rien. Dans la rue, je me demandais tout le temps, en regardant les gens, qui avait tué et qui n'avait pas tué, qui avait violé et qui ne l'avait pas fait."
Comment trouver les mots pour dire la puissance de ce texte, l'émotion et la force qui s'en dégage?
A lire si l'on veut comprendre la guerre de l'intérieur, du côté humain trop humain.
A lire si l'on s'intéresse à la cause des femmes, à leur liberté et à leurs envies.
A lire si l'on veut comprendre l'arbitraire, la peur, et la folie.
Avis aux libres-penseurs, aux libres-aimeurs, vous goûterez encore plus vos désirs en voyant ce que veut dire en être privé.
Merci Sophie, d'avoir glissé ce livre dans mon sac...
Il s'inscrit très bien dans ma rubrique AU FEMININ!