03 mars 2011

Une grande femme




En l'approche de la journée de la femme, je m'en viens vous conseiller vivement ce grand classique que je viens de lire avec plaisir: Mémoires d'une jeune fille rangée, de S. de Beauvoir.


Il y a d'abord l'enfance, au milieu des tabous, de la bienséance. On y découvre à hauteur d'enfants un lente remise en cause des idées pré-conçues de son milieu social. Elle décortique avec talent son passage à l'âge adulte, ses revirements sur sa foi, le patriotisme, sa mère. Avec une introspection sincère, elle partage ses peurs, ses élans amicaux et amoureux, ses lectures, son émerveillement de la nature.


Puis il y a l'adolescence rebelle qui avance, avec une complexité croissante des rapports familiaux et sociaux. Une écriture du ressenti et des souvenirs qui se mêle aux extraits de lettres et de journaux intimes. Elle retrace les chemins de sa construction psychologique et intellectuelle. Qu'est ce qu'être femme? philosophe? engagée? rebelle? Autant de questions qu'elle aborde à la recherche de sa morale personnelle.


Dans les fluctuations de son âme, on peut se retrouver. Dans ses dérives, ses désillusions, des désirs.


Mais au-delà, c'est lire une époque, se plonger dans ce qu'on croyait, ce qu'on faisait, ce qu'on lisait alors. C'est être à la bibiothèque avec Merleau-Ponty, Nizan, ou Sartre. C'est partagé leur conversation du moment.


Si le parcours alterne des moments de grande lucidité et de total aveuglement, il est à la fois marquant, et questionnant. Pourquoi réussit-on à s'affranchir, à vivre, à croire? Pourquoi échoue-t-on à être, à se construire un futur?


Un texte à mettre entre toutes les mains de femmes et de filles, au bon moment.


Le témoignage d'une intellectuelle qui arrive à être comme tout le monde en étant comme personne.


Un extrait:


"Je ne me décourageais pas pourtant. L'avenir me semblait soudain plus difficile que ce que j'avais escompté mais il était aussi plus réel et plus sûr. Au lieu d'informes possibilités, je voyais s'ouvrir devant moi un champ clairement défini, avec ses problèmes, ses tâches, ses matériaux, ses instruments, ses resistances. Je ne me demandais plus: que faire? Il y avait tout à faire. Tout ce qu'autrefois j'avais souhaité faire: combattre l'erreur, retrouver la vérité, la dire, éclairer le monde, peut-être même aider à le changer. Il me faudrait du temps, des efforts pour tenir, ne fut-ce qu'une partie des promesses que je m'etais faites; mais cela ne m'effrayait pas.Rien n'était gagné: tout restait possible."


et un autre:


"J'étais à deux doigts de m'avouer la vérité: j'en avais assez d'être un pur esprit. Non que le désir me tourmentât comme à la veille de la puberté. Mais je devinais que la violence de la chaire, sa crudité, m'auraient sauvée de cette fadeur éthérée où je m'étiolais. Il n'était pas question que j'en fasse l'expérience; autant que mes sentiments pour jacques, mes préjugés me l'interdisaient. Je détestais de plus en plus franchement le catholicisme. Voyant Lisa et Zaza se débattrent contre cette religion martyrisante, je me réjouissais de lui avoir échappé. En fait, j'en restais barbouillée."


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