Suivant ma bonne résolution de revisiter les classiques, je me suis lancée dans L'idiot de Dostoievsky. Et mes impressions sont assez mélangées.
Bien sûr, on connait l'histoire de base: un "idiot" qui revient d'une cure en Suisse pour cause d'épilepsie regagne la société russe de St Petersbourg, où il se noue d'amitié avec des personnages complexes, comme leurs noms russes (Gabriel Ardalionytch, Yvan Fedorovitch Yepantchine, et j'en passe et des meilleurs)! Comme il est un peu naïf, on le prend soit pour un dangereux imposteur qui cache son jeu sous ses airs niais, soit comme un imbécile dont on se moque ardemment! Mais très vite, le procédé littéraire est utilisé pour que les personnages se prennent en pleine figure et avec toute sincérité leurs travers les plus odieux.
Derrière cette histoire s'en cache une autre, qui fait balancer notre héro idiot entre deux femmes: Nastasie Philipovna et Aglae Yepantchine. La première est une femme présentée comme une courtisane de peu de vertu, et qui balance entre tous les hommes de cette société russe que forment les personnages du livre. La seconde est la dernière des trois filles d'un général qui a des idéaux nobles et romantiques de vie, et espère faire un beau mariage loin de tous les noms de prétendants que lui soufflent ses parents.
Et il y a derrière tout ça une trame sans queue ni tête, des tas de digressions, d'excès, de scènes d'ivresse, de scènes de suicide ou de meurtre ratés dont tout le monde rit, de scènes de jeux dangereux en société où chacun révèle ses pires affaires et ses plus gros mensonges, etc.
C'est étrange comme ce grand style, cette finesse psychologique, ce théâtre détonnant, peut se retrouver comme noyé dans une masse de textes qui parle tout autant de nihilisme, du christ (d'ailleurs certain voit en le personnage de l'idiot une vision de Jésus), du destin, etc.
Et en plus, Dostoievsky nous confie sa vision de la littérature, de ses personnages, de son écriture, comme par exemple au début de la partie IV:
"Il y a des gens qu'il est malaisé de définir d'un seul trait, qui les aurait peints sous leur aspect particulier et caractéristique. Ce sont eux qu'on a l'habitude d'appeler 'des gens ordinaires', 'la majorité' et qui constituent effectivement l'immense majorité de la société. Les auteurs des romans et des nouvelles s'efforcent la plupart du temps de peindre des 'types'. Ces personnages ne se rencontrent presque jamais à l'état pure, bien qu'ils soient plus réels que la réalité même."
Il y a dans ce roman le bouillonnement de l'âme russe, qu'on le retrouve aussi chez Boulgakov mais d'une toute autre façon bien sûr, encore plus surréaliste qu'ici.
Les dialogues de L'Idiot sont fous, emprunts de sarcasme, de beuverie, d'espièglerie, et de force.
"-L'étranger me tuait. Je me rappelle être sorti de cette obscurité un soir à Bâle à la frontière suisse, et c'est un cri d'âne au marché de la ville qui ma réveillé. L'âne me fit une impression extrême et je ne sais trop pourquoi, un plaisir immense; et alors tout est devenu clair dans ma tête.
-Un âne? C'est bizarre! fit la générale. Après tout, il n'y a rien de bizarre à cela, il se peut que l'un de nous s'éprenne tout d'un coup d'un âne, ajouta-t-elle."
Que dire après tout ça? Que comme dans tous les chefs d'œuvre, on en ressort la tête pleine de sensations qu'il faut digérer lentement. Essayer de raconter L'idiot, ce serait comme essayer de raconter La recherche de Proust. Je crois que dans l'un comme dans l'autre chacun peut y trouver des choses très différentes.
J'ajouterai que ce n'est pas une lecture facile, avec une intrigue directrice qui porte le lecteur d'un bout à l'autre.
Je conseille donc ce livre aux amateurs de culture Russe qui sont prêts à s'immerger dans des centaines de pages tortueuses!
Je recommande ce roman à ceux qui veulent revoir leurs classiques et qui ont le temps et l'énergie de se lancer dans un pavé.
Je pense que ce livre est aussi pour ceux qui en ont marre des constructions habituelles de livres ou de films. Où l'on sent dès le début les choses qui vont se passer. Où l'on sait dès le début les lignes qui vont rester graver et celles qui vont s'effacer. En lisant l'Idiot, ils pourront lâcher prise, et se noyer dans un style qu'on ne trouve plus de nos jours.
Bien sûr, on connait l'histoire de base: un "idiot" qui revient d'une cure en Suisse pour cause d'épilepsie regagne la société russe de St Petersbourg, où il se noue d'amitié avec des personnages complexes, comme leurs noms russes (Gabriel Ardalionytch, Yvan Fedorovitch Yepantchine, et j'en passe et des meilleurs)! Comme il est un peu naïf, on le prend soit pour un dangereux imposteur qui cache son jeu sous ses airs niais, soit comme un imbécile dont on se moque ardemment! Mais très vite, le procédé littéraire est utilisé pour que les personnages se prennent en pleine figure et avec toute sincérité leurs travers les plus odieux.
Derrière cette histoire s'en cache une autre, qui fait balancer notre héro idiot entre deux femmes: Nastasie Philipovna et Aglae Yepantchine. La première est une femme présentée comme une courtisane de peu de vertu, et qui balance entre tous les hommes de cette société russe que forment les personnages du livre. La seconde est la dernière des trois filles d'un général qui a des idéaux nobles et romantiques de vie, et espère faire un beau mariage loin de tous les noms de prétendants que lui soufflent ses parents.
Et il y a derrière tout ça une trame sans queue ni tête, des tas de digressions, d'excès, de scènes d'ivresse, de scènes de suicide ou de meurtre ratés dont tout le monde rit, de scènes de jeux dangereux en société où chacun révèle ses pires affaires et ses plus gros mensonges, etc.
C'est étrange comme ce grand style, cette finesse psychologique, ce théâtre détonnant, peut se retrouver comme noyé dans une masse de textes qui parle tout autant de nihilisme, du christ (d'ailleurs certain voit en le personnage de l'idiot une vision de Jésus), du destin, etc.
Et en plus, Dostoievsky nous confie sa vision de la littérature, de ses personnages, de son écriture, comme par exemple au début de la partie IV:
"Il y a des gens qu'il est malaisé de définir d'un seul trait, qui les aurait peints sous leur aspect particulier et caractéristique. Ce sont eux qu'on a l'habitude d'appeler 'des gens ordinaires', 'la majorité' et qui constituent effectivement l'immense majorité de la société. Les auteurs des romans et des nouvelles s'efforcent la plupart du temps de peindre des 'types'. Ces personnages ne se rencontrent presque jamais à l'état pure, bien qu'ils soient plus réels que la réalité même."
Il y a dans ce roman le bouillonnement de l'âme russe, qu'on le retrouve aussi chez Boulgakov mais d'une toute autre façon bien sûr, encore plus surréaliste qu'ici.
Les dialogues de L'Idiot sont fous, emprunts de sarcasme, de beuverie, d'espièglerie, et de force.
"-L'étranger me tuait. Je me rappelle être sorti de cette obscurité un soir à Bâle à la frontière suisse, et c'est un cri d'âne au marché de la ville qui ma réveillé. L'âne me fit une impression extrême et je ne sais trop pourquoi, un plaisir immense; et alors tout est devenu clair dans ma tête.
-Un âne? C'est bizarre! fit la générale. Après tout, il n'y a rien de bizarre à cela, il se peut que l'un de nous s'éprenne tout d'un coup d'un âne, ajouta-t-elle."
Que dire après tout ça? Que comme dans tous les chefs d'œuvre, on en ressort la tête pleine de sensations qu'il faut digérer lentement. Essayer de raconter L'idiot, ce serait comme essayer de raconter La recherche de Proust. Je crois que dans l'un comme dans l'autre chacun peut y trouver des choses très différentes.
J'ajouterai que ce n'est pas une lecture facile, avec une intrigue directrice qui porte le lecteur d'un bout à l'autre.
Je conseille donc ce livre aux amateurs de culture Russe qui sont prêts à s'immerger dans des centaines de pages tortueuses!
Je recommande ce roman à ceux qui veulent revoir leurs classiques et qui ont le temps et l'énergie de se lancer dans un pavé.
Je pense que ce livre est aussi pour ceux qui en ont marre des constructions habituelles de livres ou de films. Où l'on sent dès le début les choses qui vont se passer. Où l'on sait dès le début les lignes qui vont rester graver et celles qui vont s'effacer. En lisant l'Idiot, ils pourront lâcher prise, et se noyer dans un style qu'on ne trouve plus de nos jours.