En ce moment, je travaille au site web de ma boite Pan-or-amiques.com (merci à ceux qui sont déjà allés y faire un tour) et donc je vais régulièrement dans Google taper le mot "Pan-or-amiques" pour voir comment évolue le référencement des pages internet en question, et le référencement de celles de ce blog aussi... Et c'est à cette occasion que j'ai découvert par sérendipité qu'il existait un livre dont le titre était Panoramiques. Un essai. Et que cela avait l'air bougrement intéressant. Aussitôt découvert aussitôt lu... Et avec délectation!
La première partie m'a vraiment parlé. Il s'agit d'un texte sur la tâche du lecteur. Jean-Christophe Bailly part du constat que lorsque l'on voit quelqu'un lire, il semble seul, isolé, dans son monde à lui. Mais comme il l'explique très bien, lire est bien autre chose:
"Lire, ce n'est pas seulement marcher sur les traces de la différence produite en nous par le livre, c'est aussi marcher dans la forêt entière où ces traces ont déjà été suivies ou le seront. Dans cette forêt, chacun est seul, mais chacun, s'il le veut, peut aussi entendre d'autres pas que le sien. Il arrive que de tels pas soient très lointains, et le plaisir qu'il y a les percevoir est relié à la sphère de l'érudition.Il s'oppose en son genre à celui des forêts fréquentées. Mais même là, même lorsqu'il s'agit de grands classiques ou de livres qu'il "faut avoir lu", le piétinement des millions de lecteurs reste sourd. Au moment de la lecture elle-même, là où elle creuse, l'expérience est entière, à peine médiatiser. Et c'est dans la profondeur même de ce retrait que se dessine cette communauté seconde dont chaque livre est le foyer."
Le lecteur est donc un point dans une ligne de temps long qui réunit tout une communauté interculturelle intergénérationnelle...
"L'espace de la lecture est celui de la potentialité infinie, celui de la volière, celui d'oiseaux volant all over dans le temps. Ici une ligne part de la Mésopotamie ancienne pour rejoindre la salle d'une université danoise,..."
Magnifique deuxième chapitre aussi sur le langage dans le temps. Difficile à résumer tant la pensée est fine et se déploie poétiquement. Le texte est intitulé "la ville adamique". Pour Jean-Christophe Bailly, nous sommes passés d'un état "paradisiaque du langage", où les mots étaient "baptême" et où il n'y avait pas besoin de se battre avec la "valeur de la communication des mots"à un état d'un "langage ville" où les mots sont outils.
Joie de voir toutes ses références à Walter Benjamin que j'aime tant. Notamment sur la "pensée des restes", comme une pensée de ce que le temps n'élimine pas.Et pas au sens "solennel" mais au sens d'un "surgissement latent": comme des indices laissés ici ou là et qui traverse le temps! Ainsi le nom des rues des villes est un "cosmos de langage" qui nous envoie des signes dans le temps. Comme la rue de la roquette, qui a surement vu jadis cette plante y pousser.
Un immense merci à Jean-Christophe Bailly.pour cette promenade qui mêle ethnologie, philosophie, géographie, histoire, sémiologie, et j'en passe.
J'ai comme ressenti une connexion d'âme, comme si ce livre avait été écrit pour moi.
Je me suis mise à aller écouter les conférences de Jean-Christophe Bailly sur youtube. J'ai découvert son approche des villes et du paysage...
Avis aux amateurs...
Une pensée qui fait du bien, qui nourrit et qui inspire!