22 août 2009

Un tout petit village...




Tout commence par ces mots:


" Je m'appelle Brodeck et je n'y suis pour rien. Je tiens à le dire. Il faut que tout le monde le sache. Moi, je n'ai rien fait, et lorsque j'ai su ce qui venait de se passer, j'aurais aimé ne jamais en parler, ligoter ma mémoire, la tenir bien serrée dans ses liens de façon à ce qu'elle demeure tranquille comme une fouine dans une masse de fer."


Brodeck vit dans un village. Dans tout ce que ça peut avoir de petit, un village... surtout quand les gens du village, devant la présence persistante d'un étranger, se sont ligués contre lui, jusqu'à commettre le pire.


Lui, Brodeck, il est chargé du rapport. D'où le titre du roman: Le rapport de Brodeck de Philippe Claudel.


C'est un livre à lire. Très bien écrit. Une plume qui virevolte entre passé présent et futur avec tant de délicatesse qu'on en oublie les frontières pour ne faire que sombrer dans les pièges de la mémoire.


On y retrouve les camps, la guerre, la désolation, les sévices, l'exclusion, la honte, la peur.


Certaines pages m'ont fait penser à l'oeuvre de René Girard, notamment à La violence et le sacré.


"Quand je relis les pages précédentes de mon récit, je me rends compte que je vais dans les mots comme un gibier traqué, qui file vite, zigzague, essaie de dérouter les chiens et les chasseurs lancés à sa pousuite. Il y a de tout dans ce fatras. J'y vide ma vie. Ecrire soulage mon coeur et mon ventre."


Ce roman plaira à ceux qui s'interrogent sur l'histoire, la grande et la petite.


Ce livre plaira à ceux qui aiment les plumes bien affinées.
Un texte qui sent la campagne, les sous-bois, les feux de cheminée et les creux de l'hiver...


Ce livre interpelera ceux qui s'intéressent aux phénomènes de groupe, à la sociologie, et à l'anthropologie quand elle se fait roman...

08 août 2009

Terriblement fort




Parce qu'elle ne s'est jamais abandonnée elle-même en étant contrainte de s'abandonner aux autres... Parce qu'elle a su trouver les mots pour raconter l'occupation, la guerre, les privations, les viols... Parce qu'elle est restée digne... je voudrais tant vous conseiller la lecture de son journal intime intitulé: Une femme à Berlin, Journal, 20 avril - 22 juin 1945 et paru chez Gallimard.


Elle, c'est une berlinoise anonyme, qui vit la faim, l'attente, les atrocités. Elle est très cultivée, elle a beaucoup voyagé en Europe, mais là elle n'est plus rien ou presque, jusqu'à ce qu'elle trouve des pages vides pour accueillir ses pensées.


On découvre un berlin où toutes les règles, toutes les échelles de valeurs, sont renversées ou absentes. Plus de jours, plus d'heures, plus de dimanche, plus de semaines, juste un temps long qui s'étire entre deux bombardements, entre deux allé-retour à la pompe en courant.


Vous allez me dire que c'est très difficile de lire de telles choses. Et moi-même, j'ai mis du temps avant de trouver la force de lire son témoignage. Mais, ça vaut tellement la peine. Pour elle, pour elles je dirais même, mais aussi pour nous, car c'est un témoignage de force.


C'est un livre précieux pour comprendre (ou tenter de comprendre) ce que veut dire ne pas vivre en paix.


On ne peut s'empêcher de penser aux irakiennes, aux afgahnes, africaines, etc.


Un livre à mettre en toutes les mains qui veulent apprendre la vie et la mort, en face.


Un livre qui brise des tabous sans jamais tomber dans le mauvais goût.


Un livre qu'on n'oublie pas.


Un extrait:
"Faisons le compte: j'ai parcouru douze pays d'Europe, ai vécu notamment à Moscou, Paris, Londres et vu de près le bolchevisme, le parlementarisme, et le fascisme, comme simple être humain parmi d'autres êtres humains. Des différences? oui, et parfois même considérables. Mais j'ai tendance à croire qu'elles résident dans la forme et la couleur, dans les règles du jeu, et non dans le bonheur supposé inférieur ou supérieur, réservé à la majorité, comme le professait candide."