Je me suis laissée prendre par l'histoire d'une rencontre: celle d'une vieille dame avec un jeune gitan. Elle s'appelle Madame Lure et lui Vargas.
Madame Yvonne Lure vit seule. Elle est veuve.
Ses occupations: les commissions, le ménage, feuilleter les magazines de publicité des agences de voyage, observer les cartes de géographie et rêver.
Habitation connue: petit appartement deux pièces mansardé parisien meublé.
Signes particuliers: méticuleuse et silencieuse.
Vargas vit au milieu de la troupe au campement.
Ses occupations: voler dans les supermarchés (notamment les tablettes de chocolat), agiter une marionnette et dessiner.
Dernière habitation connue: la caravane d'en bas. Près du brasero.
Signes particuliers: mystérieux et attentif.
Dans Les mains libres de Jeanne Benameur, ils se rencontrent et s'apprivoisent, sous une plume délicate et fine.
"Yvonne, c'est aussi les nuances humbles de la ville. Le gris des nuages et les teintes atones des crépis délaissés qu'il aime toucher du bout des doigts, le gris qui reste au fond vert laborieux des légumes au grand magasin, au fond du rouge aux lèvres closes des femmes qui déambulent, qu'il a croisé parfois, tenues dans ses bras, jamais aimées.
Il se dit que cette femme n'a jamais rien esquivé. Depuis toujours, rien esquivé.
Auprès d'elle, il a senti le monde, ni hostile, ni loin. En Yvonne, le monde est là, à portée de la main. Si le regard veut bien dévoiler le gris, aller jusqu'à la vie enfouie, qui respire sans hâte, sous la peau.
Une poussière très douce pour la caresse de son regard.
Il trouve la couleur, dessine."
Un texte fort et doux que je recommande à ceux qui aiment faire attention aux détails des gestes, des mains, des regards, des bouches.
Je le recommande à ceux qui ont aimé L'élégance du hérisson et Ensemble c'est tout.
Une belle lecture d'hiver au coin du feu...